Ça se passait un vendredi soir de décembre dans un quartier hispanique de Miami. Dans une ancienne piste de courses de chevaux transformée en casino.
La grosse télé américaine était sur place avec Deontay Wilder pour mousser son combat à venir contre Luis Ortiz.
C’était aussi très clair que la finale présentée par PBC allait servir à établir pour de bon la carrière d’Ahmed Elbiali, un solide mi-lourd de Miami avec une fiche immaculée de 16-0. On lui offrait un ancien champion du monde de bonne réputation comme tapis rouge pour son entrée chez les grands.
Mathieu Boulay et moi, comme Jean-Charles Lajoie, comme Nathalie Bruneau, comme TVA et Jean-Luc Legendre de RDS avions fait le voyage pour couvrir ce dernier combat de Jean Pascal.
En se demandant tous comment Jean Pascal, le plus flamboyant des champions du monde québécois, pouvait venir mettre fin à sa carrière dans ce casino tout croche dans un arrondissement de Miami.
Le reste, vous le savez. Pascal s’est présenté dans une forme splendide à la pesée et le soir du combat, il a donné une vraie leçon de boxe et de courage au jeune Elbiali qui cherchait son père du regard entre les rounds avant de concéder par abandon au sixième round.
Le soir et le lendemain, Pascal a donné des entrevues pour expliquer qu’il était serein, qu’il prenait sa retraite avec la satisfaction du devoir accompli et qu’il était temps de passer à autre chose.
N’empêche que la plupart des journalistes qui s’étaient déplacés pour ce « dernier » combat se disaient que Pascal méritait d’accrocher ses gants chez lui, au Québec, devant ses fans. Qu’on lui rende un hommage bien senti. C’est quand même lui qui a sauvé la boxe québécoise au moins deux fois dans sa carrière.
Il méritait mieux qu’une bataille en plein air avec des commentateurs américains qui n’en avaient que pour l’étoile montante du pays pendant les deux premiers rounds du combat.
Il méritait un gros merci devant ses fans…
« J’ai un regret… »
Jean Pascal était sincère le 8 décembre dernier. C’était son dernier combat. Mais Dominique Michel était toujours sincère quand elle a annoncé dix fois que c’était son dernier Bye Bye.
Même qu’après sa brillante démonstration contre Elbiali, Jean Pascal a reçu une offre dépassant 700 000 dollars canadiens pour affronter un gros gars de Top Rank. Vraisemblablement Marcus Brown. Mais il a refusé, préférant goûter davantage à sa vie de jeune retraité.
« Mais je n’avais qu’un regret. De ne pas avoir livré mon dernier combat devant mes fans et mes partenaires à Montréal ou au Québec. Je n’arrivais pas à sortir cette envie de ma tête. Battre Elbiali chez lui à Miami, c’était génial, mais ce n’était pas chez moi, devant les fans qui m’ont appuyé toute ma carrière. C’est un regret qui me pèse et si les conditions sont bonnes, je veux livrer ce dernier combat, chez nous, devant les miens », soutient aujourd’hui Jean Pascal.
« Je suis à la retraite. J’ai des choix de carrière devant moi, des projets. Mais j’ai commencé ma carrière professionnelle au Club Soda, le 3 février 2005, devant 1000 amateurs. Certains de ces amateurs ont toujours été là. Contre Bernard Hopkins, contre Chad Dawson, contre Sergey Kovalev. Ils n’ont pas pu venir à Miami. Je veux boucler la boucle. Je le constate aujourd’hui, je regrette de ne pas avoir fini ça au Québec. Je veux un dernier tour de piste », dit-il.
Les conditions gagnantes
Ce n’est pas encore clair dans la tête de Jean Pascal. Mais quand il répond aux questions, on perçoit deux axes de pensée : soit un combat contre un adversaire de renom, crédible dans la boxe, soit un match plus spectaculaire contre le spécialiste des arts martiaux mixtes Steve Bossé.
Et juste à voir comment Jean Pascal défend le calibre et la puissance de Bossé, comment il explique qu’avec sa force de frappe terrifiante, il peut être très dangereux le temps d’un coup de poing, on peut deviner que c’est vers un affrontement contre Steve Bossé que Jean Pascal s’en irait : « Un cogneur, c’est toujours dangereux. Dans la boxe, ça ne prend qu’un solide coup de poing pour changer l’issue d’un match. Un gars comme Bossé, qui a de l’expérience des combats, ne doit pas être sous-estimé. En tous les cas, moi, je ne le sous-estimerais pas », de dire Pascal.
Remercier Yvon Michel…
Le lendemain, lors d’une deuxième conversation, Jean Pascal est allé plus loin : « Je suis bien conscient que la boxe québécoise traverse des moments très difficiles. J’ai connu Camille Estephan et si on a eu nos divergences de points de vue, je respecte son attitude et ce qu’il fait pour la boxe. Quant à Yvon Michel, il n’est pas parfait, il n’est pas un ange. J’ai eu des prises de bec et des conflits avec lui. Mais nul ne peut nier tout ce qu’il a apporté à la boxe québécoise depuis 25 ans. C’est difficile pour lui ces temps-ci, mais si je pouvais donner un coup de main pour aider la boxe à sortir de cette période morose, je serais heureux et fier de le faire », a ajouté l’ancien champion du monde.
Encore là, il faut comprendre que Steve Bossé est la carte cachée dans la main d’Yvon Michel. GYM espère en faire une sorte de Connor McGregor québécois. Est-ce que les gens paieraient pour voir un combat entre Bossé et Pascal ? Probable que oui.
Pierre Duc à ses côtés
Jean Pascal parle avec calme. Cette fois, il est entouré de personnes qui tiennent ses affaires à cœur. Greg Leon demeure son agent et son conseiller. Mais l’homme d’affaires Pierre Duc est un ami quand vient le temps de parler business et vie. Pierre Duc, un ancien vice-président chez Molson et président d’Interbox, est vice-président ventes et marketing pour une importante compagnie nationale de distribution de viandes au Canada. Il n’entend pas se mêler de boxe. Mais comme président d’Interbox, il a connu et apprécié Jean Pascal. Et depuis, quand ils prennent un café ensemble, il écoute l’ancien champion et le conseille discrètement sur certains gestes qu’il pourrait poser : « C’est Jean qui prend les décisions, ç’a toujours été le cas. Mais je sens chez lui un désir très fort de finir par un dernier tour de piste au Québec. Dans les bonnes circonstances, c’est certainement jouable », souligne-t-il quand on aborde le sujet avec lui.
Le combat de trop
À 35 ans, Jean Pascal n’a pas la même vitesse que dans ses grandes années. Suffit de regarder sa bataille contre Chad Dawson pour voir la différence. Mais il a prouvé qu’il avait encore une bonne réserve d’essence dans le réservoir.
Encore là, il faut poser la question essentielle. Et s’il voulait disputer le combat de trop ? Celui qui pourrait laisser des séquelles ?
Il reste calme : « Tu me connais. J’ai trop de respect pour ma tête et ma santé pour prendre pareil risque. Quand je parle de bonnes conditions, je tiens compte de tout ça », répond-il.
Je le comprends. Pascal a été acquitté des accusations qui pesaient sur lui dans une histoire familiale. Pourquoi ne pas s’acquitter de toutes ses « dettes » envers ses fans dans un combat pas trop dangereux chez lui ?
La suite sera passionnante.