Les portes de l’institution sportive sont ouvertes à tous. C’est une autre école où l’on apprend à donner, à partager. Donner son coeur, son amour. Partager son savoir, sa foi, sa passion. Objectif : se liguer pour une cause commune. Devise : « un pour tous, tous pour un ». Une devise pour un objectif commun.
Le sport, c’est l’ouverture, la moralité, la solidarité, le dépassement de soi. C’est la rencontre des idées au profit de la collectivité. C’est un champ d’action illimiité où il est préférable d’ouvrir que d’interdire. Car en fermant certaines portes, on risque de bloquer certaines imaginations. D’autant que, des fois, les inégalités sportives se révèlent plus négatives que les inégalités sociales…
Le sport, dans sa conception, ne tolère pas ces genres d’inégalités. Une équipe peut être d’un niveau supérieur, une autre d’un niveau moyen, mais elles sont égales devant les lois. On voit par exemple le mal qu’on a fait au football haïtien en mettant dos à dos certaines équipes et certains dirigeants qui êtaient plutôt condamnés à s’entendre pour sortir cette discipline des griffes de l’improvisation.
Dans certains compartiments du sport national, on a pris la mauvaise habitude de pratiquer des jeux dangereux. Faux calculs ou erreurs calculées, ce sont des procédés qui dérangent. Car les auteurs de certaines combines ne tiennent jamais compte des intérêts du plus grand nombre. Ils agissent comme des gens d’une certaine cetégorie qui ne se soucient pas des problèmes de la classe d’à côté. Dominer, chez eux, c’est favoriser les uns, enchainer les autres. Il faut plus que la libération de la parole pour déraciner les inégalités sportives…
Logiquement, la meilleure polititique, c’est de poser des actes en faveur de la majorité sportive, la plus grande étendue du territoire national. Porteur d’un message d’espoir et de solidarité dans la diversité, le sport est un fort courant démocratique. Mais au coeur de la société sportive haïtienne où l’on sanctionne les pensées qui nourrissent la différence, la démocratie n’est qu’un mot vague. Dans le secteur football notamment, les mentalités doivent évoluer positivement, pour éviter la paralysie. Dans le vrai sens du terme.
Qu’a-t-on fait pour atteindre ce cap périlleux dans la région football ? Chacun a sa façon de « cerner » ce sujet, mais tout se repose sur un problème d’hommes. Se faisant passer pour des phénomènes, des gens ont touché des zones interdites pour rendre impraticables certaines artères. Comme dans une ville sans loi, ils ont imposé leurs lois, porteuses de confusion et de division. Puisque certaines têtes creuses commencent à comprendre, ils risquent de devenir des « totems inoffensifs »…
Le mal de notre football, dit-on, reflète la situation du pays. Ce n’est pas une flatteuse comparaison. Récemment, un dirigeant d’un grand club a affirmé que « son équipe marche comme le pays ». Laisser-aller, résignation, refus de s’engager ou de lutter ? C’est plutôt une confirmation, une évidence : « ON A ÉCHOUÉ, ON A FAIT FAUSSE ROUTE ». Ainsi, il est urgent de faire quelque chose en adoptant cette envolée de « l’espoir assassiné », Thomas Sankara : « TOUT CE QUI SORT DE L’IMAGINATION DE L’HOMME EST RÉALISABLE PAR L’HOMME ».
Raymond Jean-Louis
Le Nouvelliste
Jeudi 22 février 1996
N.B.- Planté il y a vingt-huit (28) ans au jardin du doyen de la presse haïtienne, ce texte n’est pas fané. Au contraire. Car les « cultivateurs du football haïtien » ont surtout semé des grains sur le terrain du clanisme et du parasitisme.
En publiant ce texte au premier trimestre de l’année 1996, je souhaitais que le futur ne ressemble pas au passé. Un souhait noyé dans le bassin de l’inefficacité. Environ trois (3) décennies après, puisque cette vieille réflexion s’accorde avec la conjoncture, je souhaite que les principaux responsables de notre football entonnent en choeur ce refrain en vue de quitter enfin la jungle structurelle : « ÉVITER LE PRÉSENT AU FUTUR ». RJL
(Le Nouvelliste 22 février 1996)
Par Raymond Jean-Louis