Dans la matinée du mardi 12 février 2019, une triste nouvelle tomba comme un coup de fouet sur le dos de la famille du football haïtien. Il s’agit de la disparition du footballeur argentin Oscar Montironi, ancien joueur du Violette Athletic Club.
Arrivé en Haiti en 1975 en compagnie de ses compatriotes Barionuevo et Ricato, Montironi se signala dès sa première sortie au stade Sylvio Cator à l’occasion du tournoi olympique de football face à l’Aigle Noir de Tom Pouce (2-1 en faveur du Violette, deux buts de Ricato).
Puis Montironi fut décisif quelques semaines plus tard lors du match Violette-Cosmos de New-York au stade national. En la circonstance, le Cosmos avait, entre autres, aligné le Brésilien Pelé, le Chilien Hugo Sotil et l’Uruguayen Masnik. Une armada de vedettes mondiales.
Pour sa part, le Violette aligna notamment les Philippe Vorbe, Pierre Bayonne, Ernst Jean-Joseph, Frantzy Mathieu, Raphaël Pierre, les Argentins Oscar Montironi, Ricato et Barionuevo. Une équipe de rêve qui dérouta le Cosmos américain mené par le roi Pelé. Une rencontre spectaculaire dans un stade en folie.
Ce fut un match très disputé remporté 2-1 par les bleu et blanc, grâce à deux réalisations d’Oscar Montironi. Mais la grande vedette de cette soirée, ce n’était pas le roi Pelé. C’était plutôt le violettiste Pierre Bayonne qui, sur la route du 2e but du Vieux Tigre, tailla en pièces la défense de la formation new-yorkaise pour provoquer le penalty transformé par l’Argentin Oscar Montironi.
Après le match, Pelé déclara au micro de la presse que « le #8 haïtien est un attaquant talentueux, un joueur de classe internationale ». Le #8 du Violette, c’était l’étoile bleu et blanc Pierre Bayonne.
Autre joueur remarquable de cette soirée, l’Argentin Oscar Montironi, auteur des deux buts bleu et blanc, qui participa par la suite à la victoire du Violette dans la Coupe Pradel 75-76. Cette spectaculaire compétition était également animée par l’éblouissante équipe du Victory qui représentait le principal adversaire du Violette. Puisqu’à l’occasion de cette saison, l’immortel entraineur Franck Civil avait lancé dans le grand bain des jeunes talents aux dents longues tels Raphaël Alexis, Gérald Jean, Serge « Missolo » Crispin, Nono Jean-Baptiste, Guy Allen, Rodrigue Carrasco, Garry Perrin, Jean-Michel Malenkov, Gérald Vilain, Ronald Pun et le regretté Reginald Viélot. Quel régal pour les amateurs du football léché!
Pour le match décisif, à cause des blessés qui se bousculaient dans l’infirmerie bleu et blanc, notamment Philippe Vorbe et Pierre Bayonne, le Victory partait largement favori. Mais, conduit par le remuant Montironi, le Violette surclassa la charmante équipe du Bas-peu-de-chose (3-0), buts de Carlo Brévil, Raphaël Pierre et Roger Saint-Vil.
Ainsi en 1975, le Violette recruta un trio d’Argentins dans la perspective de sa participation au Championnat de la CONCACAF des Clubs: le milieu de terrain Montironi, le défenseur Barionuevo et l’attaquant Ricato, auteur de deux buts contre l’Aigle Noir dans le cadre de la première sortie du trio argentin au stade national.
Malheureusement, le Vieux Tigre récolta l’élimination dès le premier tour à cause d’une regrettable note de presse de la FHF publiée dans les journaux, alors que la délégation surinamienne se trouvait déjà en Haïti. Dans sa malencontreuse note de presse empoisonnée qui sacrifia le représentant d’Haïti dans la compétition concacafienne, le Bureau fédéral avait précisé que « les Argentins du VAC ne sont pas qualifiés pour disputer le match retour face au Transwall de Surinam », alors que la CONCACAF avait homologué le résultat du match aller (2-2) disputé à Paramaribo, capitale de Surinam. Quel gâchis!
En dépit de cette maladresse calculée des dirigeants fédéraux, le Vieux Tigre titularisa ses trois Argentins dans le cadre de ce match controversé remporté 4-0 par les fauves bleu et blanc, grâce à deux doublés signés Raphaël Pierre et Ricato.
Au tribunal de la CONCACAF, les responsables de l’équipe surinamienne exploitèrent la note de presse salée de la Fédération haïtienne de football pour décrocher sur tapis vert le billet du Transwall pour le tour suivant. Cette élimination du Violette, malignement préparée par la FHF (!), est l’une des pages noires de notre histoire sportive…
Après cette élimination prématurée provoquée par une grossière bévue fédérale, « une erreur calculée », le doyen des Clubs sportifs haïtiens n’a pu maintenir l’avant-centre Ricato dans son effectif. En revanche, le Vieux Tigre a conservé Barionuevo et Montironi qui participèrent à la victorieuse campagne 75-76 des violettistes en Coupe Pradel.
Oscar Montironi fait partie du premier contingent de footballeurs étrangers ayant débarqué en Haïti à la fin de la première moitié des années 70. Ce qui a énormément relevé le niveau du spectacle au principal rendez-vous des fans du ballon rond. Et on se souvient des passionnants duels des Argentins à l’occasion des chocs Violette-Victory lors de la saison 75-76: le tandem Barionuevo-Montironi dans camp bleu et blanc, le duo Gusman-Aguire dans la zone flamengo et noir. Car dans le sport, ce sont avant tout les vedettes qui garantissant la réussite des sommets notamment.
Cette nouvelle voie tracée par le Violette et prolongée par le Victory était porteuse de promesses pour le football haïtien. Avec une formation bourrée de vedettes de la trempe des Pierre Bayonne, Ernst Jean-Joseph, Philippe Vorbe, Frantzy Mathieu, et renforcée par le trio argentin Ricato-Montironi-Barionuevo, le Violette 75-76, dirigé par l’expérimenté entraîneur Antoine Tassy (Zoupim), était techniquement bien armé pour remporter le Championnat de la CONCACAF des Clubs. Mais c’était compter sans la Fédération haïtienne de football qui, priorisant l’absurde lutte des clans, s’était catégoriquement opposée à cette expérience appuyée par le public et la presse sportive. C’est ce qui entraîna la brutale élimination du Violette en 1975 dès le premier tour de l’épreuve reine de la CONCACAF au niveau des Clubs.
Le battant avant-centre argentin, Ricato, quitta le territoire de notre football après le coup de poignard de la FHF qui contribua au transfert du Vieux Tigre bleu et blanc sur le banc des premiers éliminés concacafiens de cette saison. C’est dommage! Parce que, avec un tel chasseur de buts, le Violette aurait été irrésistible dans la zone CONCACAF à cette époque.
De son côté, contrairement à son compatriote Barionuevo qui retrouva l’Argentine après la saison 75-76, Montironi resta en Haïti où il fonda un foyer. C’est dans son pays d’adoption que, le lundi 11février, le train de la mort faucha ce sympathique artiste du ballon rond qui, par son talent, sa combativité et son fair-play, offrit de savoureuses séquences footballistiques aux passionnés clients du stade national.
Ainsi, l’heure de dire adieu au football et de quitter le monde des vivants a sonné pour Oscar Montironi le lundi 11 février 2019. Car nul ne peut résister quand souffle le vent de la grande faucheuse. Mais il est parti en laissant de précieux souvenirs pour les Haïtiens qui eurent le privilège de vivre ses performances au théâtre sportif Sylvio Cator.
Que la paix accompagne l’âme du regretté Oscar Montironi jusqu’au grand jour de la résurrection. Vive sympathie à sa famille, à ses anciens coéquipiers argentins et violettistes.
Raymond Jean-Louis
lenouvelliste.com