Dans un contexte de crise généralisée, où l’insécurité, la fragmentation sociale et le désespoir sapent les fondations mêmes de la société haïtienne, le sport émerge comme l’un des derniers bastions porteurs d’espoir, de cohésion et de transformation.
Dans un contexte de crise généralisée, où l’insécurité, la fragmentation sociale et le désespoir sapent les fondations mêmes de la société haïtienne, le sport émerge comme l’un des derniers bastions porteurs d’espoir, de cohésion et de transformation. Pourtant, malgré son potentiel incontestable, le sport haïtien reste prisonnier d’une absence criante de vision politique et d’un manque structurel de soutien de l’État.
Dor Leconte, directeur exécutif du Centre d’appui à la bonne gouvernance dans le sport, sonne l’alarme. Pour lui, « le sport n’est pas un luxe : il est une urgence, une voie, une promesse. » Il en appelle à une politique publique forte, ambitieuse et structurée, capable de faire du sport un véritable levier de reconstruction nationale. Son plaidoyer ne relève pas du simple idéalisme : il s’appuie sur une lecture lucide de la réalité haïtienne, et sur des signes tangibles de résilience et de performance qui, malgré tout, continuent de jaillir dans ce paysage fragilisé.
Alors que l’État se montre largement absent, plusieurs fédérations sportives haïtiennes survivent tant bien que mal, grâce à l’appui de leurs homologues internationales ou, le plus souvent, grâce au soutien infatigable du Comité olympique haïtien (COH). Avec des ressources limitées, le COH demeure un pilier du mouvement sportif national, maintenant vivant un secteur pourtant négligé. Mais cette survie ne peut être une fin en soi. Elle appelle à une consolidation, à une réorganisation collective autour d’une vision commune.
Leconte dénonce d’ailleurs l’existence de structures parallèles et d’initiatives éphémères, qui fragilisent l’unité du secteur et freinent la mise en place d’un projet global cohérent. « Créer des organisations éphémères pour courir après des miettes ne fait que générer de la frustration », avertit-il, en appelant les acteurs à dépasser les divisions pour construire ensemble une dynamique nationale fondée sur la coopération, la planification et l’impact social.
Les résultats sportifs récents donnent raison à ce plaidoyer. Dave Catel a décroché une médaille de bronze en karaté au Central Caribbean Cup, une première pour Haïti dans cette compétition. Gesny Pierre-Louis s’est imposé dans la Lucas Slalom 2025 en Inline Freestyle. Ava Soon Lee, avec sa médaille d’or au Mexique, devient la première athlète haïtienne qualifiée pour les Jeux panaméricains de la Jeunesse 2025. Sans oublier la qualification historique de la sélection haïtienne U-17 pour la phase finale de la Coupe du monde au Qatar, et la victoire en match amical de la sélection féminine contre le Chili, grâce à un but signé Melchie Daëlle Dumornay, étoile montante et candidate sérieuse au Ballon d’or.
Ces performances, loin d’être anecdotiques, démontrent que le potentiel est là. Ce qu’il manque, c’est une volonté politique. Une volonté de faire du sport un outil de développement, de paix et d’inclusion. Une volonté d’inscrire le sport dans un projet éducatif, économique et social capable de reconstruire une identité collective et de redonner à la jeunesse haïtienne des raisons de croire et d’agir.
Le 6 avril, Journée internationale du sport au service du développement et de la paix, ne devrait pas être passé sous silence en Haïti. Il doit marquer un tournant. Non plus une célébration symbolique, mais le point de départ d’une politique sportive structurée, portée par l’État, le COH et tous les acteurs du terrain. Le sport en Haïti ne peut plus être perçu comme un supplément d’âme. Il est l’un des rares vecteurs encore capables de fédérer, d’inspirer et de transformer. Il est temps d’en faire une cause nationale.
Wood Emmanuel Auguste
lenouvelliste.com