Dans cet entretien exclusif accordé au Nouvelliste, le nouveau conseiller technique de la Ligue de futsal de Port-au-Prince (Lipofu) nous parle de sa nomination, de ses objectifs, et de la manière dont il compte contribuer à l’essor du futsal en Haïti.
Dans cet entretien exclusif accordé au Nouvelliste, le nouveau conseiller technique de la Ligue de futsal de Port-au-Prince (Lipofu) nous parle de sa nomination, de ses objectifs, et de la manière dont il compte contribuer à l’essor du futsal en Haïti. Fort de son expérience au Canada, il se dit résolu à instaurer des structures solides et à offrir aux jeunes Haïtiens un tremplin pour leur développement sportif. Découvrez ses perspectives et son engagement pour transformer la Lipofu en un modèle national.
L.N Comment s’est faite votre nomination en tant que conseiller technique de la Lipofu ?
R.A : Suite au départ du directeur technique de la ligue, le secrétaire général m’a proposé de devenir conseiller technique. Après plusieurs dialogues avec les administrateurs et techniciens de la ligue, depuis ma dernière visite au pays de mars à avril, pour le stage des entraîneurs et la détection des joueurs pour la sélection qui a participé à la dernière qualification de la CONCACAF au Nicaragua, j’ai senti une grande passion. Chaque membre était animé par une soif de développer la Lipofu et de promouvoir cette discipline que les Haïtiens connaissent bien, mais sous une autre forme : les petits camps. À ma surprise, j’ai découvert qu’il y avait un potentiel pour former d’excellents joueurs de futsal dans le pays. Le niveau technique et athlétique est extraordinaire. Cependant, les équipes ou les soi-disant clubs ont besoin d’une meilleure structure et d’encadrement pour poursuivre ce développement à court et long terme. Cela m’a tout de suite interpellé !
L.N Quels sont les objectifs principaux que vous vous êtes fixés dans ce nouveau rôle ?
R.A : Ces objectifs ne seront pas seulement les miens, ils seront fixés en concertation avec les administrateurs de la ligue et les clubs participants, pour garantir un bon fonctionnement de la ligue, tout en maintenant nos objectifs de structuration et de promotion du futsal. Mon rôle de conseiller est d’accompagner les dirigeants à donner plus de visibilité au futsal à travers le pays, à faire découvrir cette culture, et à développer une approche qui favorise la croissance complète des athlètes à travers la ligue et les stages de formation pour les entraîneurs et administrateurs. Nous aurons des objectifs à court et à long terme. Le futsal a beaucoup à offrir comme sport de haut niveau.
L.N Quels défis anticipez-vous en prenant en charge ce poste au sein de la Lipofu ?
R.A : L’un des principaux défis pour la croissance du futsal en Haïti réside dans le fait que ce sport a été développé « de haut en bas ». Les compétitions adultes, nationales et internationales ont évolué sans réelle connexion avec les racines du football et les infrastructures de soutien. Il y a un besoin pressant de programmes de futsal de base, de projets de formation de joueurs, de compétitions pour jeunes, ainsi que de formation pour les entraîneurs et arbitres.
L.N Quelle est l’expérience la plus significative dans votre carrière qui vous a préparé à ce rôle ?
R.A : Une des expériences les plus marquantes pour moi a été ma sélection en équipe nationale U20 du Canada. Ce fut la première fois que je quittais la maison sans mes parents pour aller jouer au soccer avec des joueurs que je ne connaissais pas, issus de différentes cultures, avec des méthodes de travail différentes. Nous devions rapidement trouver une alchimie pour être compétitifs. J’ai alors compris que le football n’a pas de frontières. Cette expérience m’a permis de m’adapter rapidement à de nouveaux environnements, un atout qui me sera utile dans ce rôle à la Lipofu.
R.A : Les compétences acquises au Canada me seront sans aucun doute utiles pour structurer la ligue. Toutefois, je suis conscient qu’Haïti a sa propre réalité. Instaurer une culture futsal ne se fera pas du jour au lendemain. Mon rôle sera de prendre le temps d’évaluer et d’analyser les besoins à court et à long terme, afin de développer la ligue, les clubs et de diffuser cette culture à travers tout le pays.
L.N Avez-vous une approche spécifique que vous envisagez d’appliquer pour améliorer le niveau technique des joueurs de futsal au sein de la ligue ?
R.A : Lors de mon passage en mars pour la détection des joueurs de la sélection haïtienne de futsal, nous avons constaté que la technique des joueurs était plus souvent celle du football que du futsal. Pour remédier à cela, il est essentiel de former les entraîneurs et d’organiser des stages spécifiques pour les joueurs. Comme je l’ai mentionné, il est urgent d’instaurer des programmes de futsal à la base, ce qui sera un objectif prioritaire à court terme.
L.N Comment voyez-vous l’évolution du futsal en Haïti et comment la Lipofu peut-elle jouer un rôle clé dans cette dynamique ?
R.A : Je pense qu’en Haïti, il est crucial de garder à l’esprit notre identité propre. La croissance du futsal ne dépend pas seulement de l’intérêt du public pour les compétitions, mais de l’établissement de structures sportives solides. Le rôle de la Lipofu sera de contribuer à cette dynamique. L’éducation physique des enfants doit rester au cœur du développement du futsal, tout en maintenant des standards professionnels à tous les niveaux du sport.
L.N Quelle est votre vision à long terme pour la Lipofu en termes de formation et de développement de talents ?
R.A : Le futsal va vraisemblablement devenir florissant durant la prochaine décennie. Tel que mentionné auparavant, il y a un besoin urgent de programmes futsal de base à travers le pays. À long terme, la Lipofu doit devenir une entité importante pour la croissance du futsal et pour la poursuite de son développement. Outre l’appel pour qu’elle devienne une entité à part entière, nationale reconnaissant la valeur du futsal en tant qu’activité de football de base, elle entend permettre de former les joueurs pour le football à 11 également.
L.N Pensez-vous qu’il soit possible de faire de la Lipofu un modèle pour d’autres ligues de futsal en Haïti ?
R.A : C’est un des objectifs fixés par la Lipofu. Je pense qu’il y aura deux très importantes recommandations à mettre sur le bureau de la FHF. La clé de la croissance du futsal consiste à convaincre chacun en commençant par les autorités de la FHF qu’il n’y a pas de conflit entre le football et le futsal et qu’il est préférable de joindre les forces. Le futsal a pris racine de façon très frappante dans des villes qui n’avaient pas de club de football d’élite en Europe, en Asie, etc. Je crois que la même situation peut se reproduire en Haïti avec un modèle comme celui de la Lipofu.
L.N Qu’attendez-vous des autres membres de la ligue et des joueurs en termes d’engagement et de discipline ?
R.A : C’est là que la Lipofu a un rôle à jouer en termes d’engagement et de discipline à travers la ligue. C’est une question d’aide avec de l’organisation et des connaissances. Cela pourrait générer un sens plus aigu de la responsabilité et du besoin d’assumer le rôle de leader du futsal. Tout changement est un risque. Mais les changements viennent d’un désir d’amélioration. Je pense que cela devrait être un objectif urgent pour nous tous qui aimons ce sport.
L.N Envisagez-vous des collaborations avec des institutions locales ou internationales pour renforcer la formation et l’encadrement des jeunes ?
R.A : Les objectifs immédiats de la Lipofu sont de créer des structures conformes avec le ministère de l’Éducation et le ministère du Sport. La première étape sera de construire un réseau de personnes-ressources qui pourront assumer la responsabilité des questions sur le développement social et économique de ce sport. Comme le futsal est un sport relativement récent, il y a actuellement un manque d’observateurs auprès de ces institutions. Les écoles primaires, les écoles classiques, les collèges ou les universités sont tous des réseaux ou secteurs où nous pouvons instaurer des ligues de futsal qui nous permettront de renforcer la formation des entraîneurs et l’encadrement des jeunes.
L.N Avez-vous des projets pour intégrer de nouvelles technologies ou méthodologies d’entraînement dans la ligue ?
Dans une certaine mesure, c’est inévitable si l’on désire offrir aux supporters et aux spectateurs le jeu le plus spectaculaire possible. Avec de nouvelles technologies, c’est un moyen valable d’accroître la qualité du produit offert aux spectateurs et surtout de promouvoir le futsal à travers le pays. Ma vision est d’investir dans des méthodologies de travail qui permettront de progresser rapidement aux niveaux technique et tactique du jeu chez les filles comme chez les garçons. Pour le moment, une précieuse contribution financière d’un organisme quelconque pourrait définitivement être bénéfique pour éclairer la voie en faveur d’un avenir plus grand et plus brillant pour le jeu en salle. Je répète : il y a un besoin urgent pour un certain nombre d’initiatives techniques éducatives et promotionnelles afin de hisser le futsal à un niveau supérieur.
L.N Qu’est-ce qui vous motive le plus dans cette nouvelle aventure ?
R.A Je suis haïtien, c’est ma terre natale. Le football de base, je l’ai développé en jouant dans la rue de Port-au-Prince au quartier de chez moi. Cette expérience de vie m’a toujours donné l’envie de redonner aux enfants d’Haïti ce que j’ai reçu. Puisque c’est à partir de ce moment que j’ai su que je voulais être un joueur de soccer professionnel. C’était un rêve et j’ai réussi à atteindre ce niveau, donc pourquoi ne pas penser qu’aujourd’hui je pourrais donner espoir soit à une petite fille ou un petit garçon d’Haïti qui rêve tous comme moi d’atteindre ce niveau? Je veux faire une différence dans la vie de chaque jeune qui aspire à jouer un jour à un niveau supérieur. J’accorde beaucoup d’importance aux relations humaines et, bien sûr, celles-ci sont basées sur la réciprocité.
L.N Comment espérez-vous marquer durablement l’histoire de la Lipofu et du futsal haïtien ?
R.A : Je vais commencer par vous dire que ce sera un travail d’équipe pour marquer durablement l’histoire de la Lipofu et du futsal haïtien. Je viens d’être choisi comme conseiller technique de la Lipofu. Je crois que c’est important de souligner premièrement le travail accompli par les administrateurs et les fondateurs de la ligue pendant ces dernières années avec des personnes passionnées, courageuses, dédiées à faire une différence dans leur communauté et surtout de la collaboration des responsables des clubs. Je suis venu enrichir l’historique de cette ligue qui, selon moi, est déjà entrée dans l’histoire du futsal haïtien. Lors de la dernière qualification de la Concacaf, nous avons eu 10 représentants de la ligue au Nicaragua. Je crois que c’est important de parler du fruit du travail accompli lors de ces dernières années par la ligue.
Vous savez, en France, le futsal est intégré au sein du football diversifié avec le football des quartiers, le foot d’entreprise, le foot loisirs, et maintenant, le beach soccer.
J’ai la même vision pour le futsal Haïti !! Voilà la façon dont je veux durablement entrer dans l’histoire du futsal haïtien.
Merci beaucoup à Lipofu de cette belle opportunité et je vous remercie M. Auguste pour cet entretien.
Propos recueillis par Wood Emmanuel Auguste
Roldège Arius
Wood Emmanuel Auguste
lenouvelliste.com