Lausanne, 23 février 2023 – Comme annoncé le 14 février 2023, le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) a admis l’appel de l’ex-Président de la Fédération haïtienne de football (FHF), Yves Jean-Bart, contre la décision du 18 novembre 2020 rendue par la Chambre de Jugement de la Commission d’Éthique de la FIFA lui infligeant une suspension à vie et une amende de CHF 1 million pour violation du Code d’éthique de la FIFA.
La sentence motivée est désormais publiée sur le site internet du TAS dans sa langue originale (français).
La sentence précise notamment ce qui suit :
1) Les conseils de Yves Jean-Bart ont déposé 66 témoignages écrits lors de la procédure devant le TAS, émanant de 66 témoins différents, parmi lesquels 21 d’entre eux ont été auditionnés et interrogés au cours de l’audience des 23, 24 et 25 mars 2022. Ces nombreux témoignages concordants, oraux et écrits, ont établi la non-existence d’abus sexuels qui auraient été commis sur de jeunes joueuses par Yves Jean-Bart.
2) Une seule personne, présentée par la FIFA comme victime des agissements de Yves Jean-Bart, s’est présentée à l’audience du TAS où elle a déclaré n’avoir jamais été témoin d’abus sexuels qui auraient été commis par M. Jean-Bart. Cette personne a ajouté que Yves Jean-Bart aurait tenté de l’abuser sexuellement au cours de son premier match avec la sélection nationale U15 qui s’est déroulé à l’étranger. Or, il est établi que M. Jean-Bart n’était pas présent lors de ce match.
3) D’autres témoins à charge ont déclaré ne pas avoir été des témoins directs, mais avaient seulement entendu parler d’abus sexuels commis sur des joueuses, contredisant ainsi leurs premiers témoignages écrits. Aucun témoignage recueilli par le TAS n’a ainsi permis d’établir la culpabilité de Yves Jean-Bart de manière suffisamment précise et convaincante.
4) La protection des témoins était en tout temps garantie par le TAS, de manière à éviter toute réticence en cas de pressions extérieures ou menaces éventuelles. Dans ce contexte, seuls les arbitres du TAS ont vérifié l’identité des personnes concernées et présentes lors de l’audience et ont donné aux parties la possibilité de les interroger et de les contre-interroger, conformément aux conditions prévues par l’article 6 al. 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Tous les témoins qui le souhaitaient ont ainsi pu témoigner depuis un lieu sécurisé et gardé secret, sans vidéo, par téléphone crypté, avec une voix modifiée par distorsion, et en présence d’une personne de confiance du TAS (pour identifier le témoin et veiller au bon déroulement des auditions). Ces mesures sont régulièrement appliquées par le TAS dans toute affaire sensible (abus et harcèlement sexuels, corruption, manipulation de compétitions sportives, etc..) afin de garantir la sécurité des témoins qui se sentiraient menacés ou en danger.
5) Les questions posées aux témoins protégés ont été préalablement soumises à la Formation arbitrale et aux parties afin de veiller à ce que ces personnes ne puissent pas être identifiées.
6) Les témoins entendus par le TAS ont tous été avertis que tout faux témoignage pouvait entraîner des sanctions pénales.
7) Dans une lettre dénonçant les agissements de Yves Jean-Bart, la FIFPro a admis vouloir aider la FIFA sur la base de divers témoignages oraux et sur des rumeurs, mais a aussi reconnu ne disposer d’aucune preuve directe. Il en est de même pour un article publié par Human Rights Watch sur son site internet se fondant sur des témoignages oraux de personnes non-identifiées ou sur des rumeurs, éléments qui ne sauraient constituer des preuves suffisantes.
En appel, le TAS peut revoir aussi bien les faits que l’application du droit. Il convient toutefois de rappeler que la tâche d’investiguer et de démontrer l’existence des faits de la cause incombe aux parties et non au Tribunal, même lorsque les faits allégués sont d’une extrême gravité. La mission des Formations du TAS consiste à vérifier le bien-fondé des décisions faisant l’objet d’un appel, sur la base d’une appréciation des éléments de preuves présentés par les parties à la procédure et des témoignages examinés contradictoirement lors de l’audience. Quand bien même le TAS a la possibilité d’ordonner certaines mesures d’instruction sous certaines conditions, il reste une autorité de jugement et non d’investigation.
Dans la présente affaire, les faits présentés pour tenter d’établir l’existence d’abus sexuels manquaient de cohérence, voire étaient contradictoires ou même inexacts. La Formation du TAS ne pouvait dès lors pas les retenir et confirmer des sanctions sur le seul fondement de témoignages indirects.La Formation du TAS en charge de cette affaire était parfaitement consciente de la gravité des faits allégués et de la possibilité que certains témoins se sentent menacés. Elle a pris toutes les mesures possibles pour favoriser la recherche de la preuve et l’établissement des faits.
Les arbitres ont également longuement délibéré après l’audience avant d’arriver unanimement à la conclusion qu’il n’existait aucune preuve satisfaisante pour pouvoir reconnaître Yves Jean-Bart coupable d’une violation des articles 23 et 25 du Code d’éthique de la FIFA ; des témoignages anonymes ou indirects ou encore des rumeurs ne pouvant suffire à condamner une personne, sous peine de porter atteinte aux principes fondamentaux du droit. La culpabilité de Yves Jean-Bart n’ayant pas pu être prouvée (son innocence non plus), son appel a donc été admis.
Source : TAS
NB : Sans commentaire !