Martha Aristide (Gros Obas)
Ancienne Gladiatrice
(Elle réside à Long Island, NY)
SPORT/HISTOIRE
NOTRE FOOTBALL FÉMININ EST CINQUANTENAIRE
(Première partie)
Par Raymond Jean-Louis
L’exercice du football féminin en Haïti, c’est une longue et palpitante histoire de cinquante (50) ans. De son éclosion en décembre 1971 à sa « consécration internationale » en 2018 lors de la Coupe du monde U20 disputée en France, on a enregistré des hauts et des bas. Plus de hauts que de bas. Après 50 ans, notre football féminin répond présent à l’appel du tableau d’honneur du Sport national.
Avant de fouler le terrain de cette entité sportive cinquantenaire, j’adresse un paquet de félicitations aux compatriotes qui ont contribué à son implantation. En tête de liste, les frères Garry et Phèdre Georges, deux grands noms de l’athlétisme haïtien, initiateurs du match de gala du 19 décembre 1971 qui ouvrit ce « débat sportif » de 50 ans.
Dans la 2ème charette des honorés se bousculent des membres de la jeune presse sportive nationale (notamment Jean-Claude Sanon, André Guillaume, Yves Jean-Bart, Gilbert Fombrun et Greggy Eugène), les dirigeants Marc-Aurel François, Frantz Pierre, Me. Jean Lindor, Dr Frantz Saintil, Grégoire Chérubin, les frères Carré, Dr Jean Boisrond, Max Guerrier, Gladys Pierre, Me. Murat Raymond, Dr Carl-Henry Saint-Amand, Me. Grégoire Eugène, Dadou Gauthier, Raphaël Délatour, Théagène Morin, Eddy Simon, Élie S. Jean, lieutenant Roland Chavannes, Rév. Père Jacques Djebbels etc. Ouf ! Cette liste de pionniers est très longue, mes excuses aux non cités.
Le parc Sainte-Thérèse de Pétion-Ville est le berceau du football féminin puisqu’ayant accueilli le match inaugural mettant aux prises les footbolleuses pionnières des collèges Canado Haïtien et Sacré-Coeur, y compris les premiers tournois majeurs dans ce secteur jusqu’en 1975. Ainsi, Sainte-Thérèse est la patronne du football féminin.
Tout a donc commencé sur la pelouse du parc Sainte-Thérèse avec l’heureux coup d’essai des frères Georges, les « architectes » du football au féminin de notre pays. Initiative profondément relayée par la presse sportive, le poumon de ce mouvement. De ce fait, les chroniqueurs sportifs de l’époque représentaient, en quelque sorte, les premiers « sponsors » du football féminin en Haïti.
Témoin, acteur puis « pompier » à plusieurs reprises, je connais tous les couloirs de notre football féminin que je qualifiais de « nouvelle vague sportive nationale » pendant la première moitié des années 70. Ah oui ! J’étais, je suis et je serai toujours un inconditionnel supporter du football féminin.
Témoin, je supportais les footballeuses et les dirigeants par des textes que je partageais avec les maitres des ondes sportives de cette époque, Jean-Claude Sanon et Yves Dadou Jean-Bart. Acteur de la presse sportive à partir de mars 1973, je faisais de la promotion des activités de cette nouvelle structure du sport haïtien ma principale mission de jeune micro sportif. « Pompier », j’ai dû intervenir directement dans les affaires du football féminin à chaque fois que ce bateau se dirigeait dangereusement vers les récifs.
Dans le cadre de ce Cinquantenaire, c’est la force de cette appartenance qui me permet de gravir aujourdhui cette tribune d’honneur pour offrir à la société sportive la première partie de l’histoire du football féminin d’Haïti.
CHRONOLOGIE D’UN CINQUANTENAIRE
1- Dimanche 19 décembre 1971, le match inaugural mettant aux prises deux équipes scolaires (Canado Haïtien-Sacré-Coeur). Ces fotballeuses de l’avant-garde ont passé avec succès cet examen.
2- 25 décembre 1971, naissance de l’équipe des Amazones, la doyenne du football féminin.
3- Début 1972, fondation de l’Excelsior féminin qui a révélé la première vedette du football féminin, Marie-Denise Bertier (Lolo).
4- 1er février 1972, fondation des Tigresses, l’équipe de la ruelle Vague.
5- 3 février 1972, naissance des Gladiatrices, l’équipe de la rue Dr Aubry.
6- Par la suite, arrivée sur cette nouvelle scène sportive d’autres équipes féminines telles Super F, Nissan, Super Girls, Suprême, les Jongleuses de Saint-Marc, Jaguar et Minerve 13.
7- Création de la Commission nationale de football féminin (CNFF) comprenant notamment les chroniqueurs sportifs Dadou Jean-Bart et Jean-Claude Sanon.
8- Excelsior, Tigresses, Amazones, Gladiatrices : le premier carré majeur du football féminin à l’affiche de tous les tournois au parc Sainte-Thérèse.
9- Été 1972, la première compétition féminine dénommée Coupe Dunbrik. Spectacle et succès populaire à Sainte-Thérèse. Lors d’un appétissant Tigresses-Amazones en 1973, Yolette Simon signa le but le plus spectaculaire du football féminin par un tir lobé decoché au centre du terrain.
D’un autre côté sur le terrain des Pères Salésiens à La Saline, les équipes réserves et de 2ème catégorie disputaient une autre compétition, la Coupe Piloēl, où évoluaient notamment les clubs Spprême et Jaguar. Et aussi les deux plus jeunes soeurs Gauthier, Jacqueline et Marilou, avant de rejoindre Rose et Marie-Antoinette dans l’équipe fanion des Tigresses.
10- 23 mars 1973, les footballeuses foulèrent pour la première fois la pelouse du stade Sylvio Cator à l’occasion des festivités marquant le 50ème anniversaire du Racing Club Haïtien. Ce tournoi réunissait les Tigresses, les Gladiatrices, l’Excelsior et les Amazones. En la circonstance, nos footballeuses firent valser les « stadistes ». Victoire des Tigresses en finale (2-1) devant les Amazones grâce à 2 buts de Marie-Antoinette Gauthier, tandis Elsie Jolicoeur signa le goal des Amazones.
11- Cette faste période engendra les premières tournées de nos footballeuses aux Antilles Françaises.
12- La Coupe Fémina de 1975 oganisée par la CNFF au parc Sainte-Thérèse à l’occasion de la première célébration de « l »Année internationale de la Femme ». Tournoi remporté par les Tigresses (2-1) en finale face à l’Excelsior, grâce à la « goleadoresse » Marie-Antoinette Gauthier qui marqua les deux buts jaune et noir, tandis que Lolo signa le goal vert et blanc.
13- Été 1975 en France, première grande sortie internationale de la sélection nationale de football féminin face au Stade de Reims qui représentait à cette époque la plus forte équipe féminine de la planète foot. À la fin de la partie, 1-1 au tableau d’affichage. Rose Gauthier ouvrit le score pour Haïti, les Reimoises égalisèrent dans les dernières minutes. La presse sportive française salua cette performance des footballeuses haïtiennes.
14- 4 octobre 1975, affiliation du football féminin à la FHF. Une grande victoire face au Bureau fédéral qui était très réticent en ce qui concerne la participation de la femme au concert du football. Après cette reconnaissance tant attendue, le stade Sylvio Cator devint le siège des compétitions féminines.
LES PREMIÈRES VEDETTES
Certaines joueuses de la première génération impressionnaient le public par leur aptitude très tôt après l’implantation du football féminin en Haïti : Maud Solon, Yvanne Desgrottes, Jessie Pierre, Marie-Carmel Dévilmé, Elsie Jolicoeur, Margareth Perdriel, Ketly Germain (Amazones), Danielle Dascy, Rose Gauthier, Yolette Simon, Jacqueline Georges, Marie-Antoinette Gauthier, Ketly Mondésir, Ginette Chérubin, (Tigresses), Martha Aristide, Béatrice Cantave, Angélique Docteur, Ketly Métellus, Analtide Pierre (Gladiatrices), Marie-Denise Bertier, Monique Joseph, Rosana Germain, Gabrielle « Chapacha » Beauvais et la gardienne Vierge Mésidor (Excelsior).
15- Au début de la 2ème moitié des années 80, des équipes provinciales renforcèrent les rangs du football féminin : les Hirondelles des Cayes de Marcel Marcel Mathieu, Shooting Star de la Croix-des-Bouquets et Anacaona de Léogane du tandem Dòdòf Damour-Yves Philogène Labaze Labaze, fondée le 3 février 1987.
16- Vacances d’été 1987, « tournoi de la rennaissance » organisé par Anacaona au parc Gérard Christophe de Léogane. L’imposante équipe des Tigresses remporta un autre trophée en la circonstance. Le succès de ce tournoi relança le football féminin à la suite d’un passage à vide.
17- Fin septembre ou début octobre 1987, le succès du tournoi de la renaissance permit aux dirigeants des équipes de se concerter pour instituer la Ligue haïtienne de football féminin (LHFF), lors d’une Assemblée tenue à la Radio Nationale. Par la même occasion, les clubs élirent Mme Ansy Lescouflair présidente, Guimps Joseph secrétaire général.
18- Octobre 1987, quelques jours après cette décision des équipes féminines en assemblée, la FHF homologua la LHFF.
19- 18 novembre 1987, coup d’envoi du premier Championnat national de football féminin. Trois (3) équipes provinciales, Anacaona dd Léogane, Hirondelles des Cayes et Shooting Star de la Croix-des-Bouquets, participèrent à cette épreuve qui enregistra un éclatant succès.
20- 4 juin 1988, Finale Tigresses-Hirondelles des Cayes, débordement de fans du ballon rond dans un stade en folie. L’équipe cayenne créa la sensation en battant les fauves de Port-au-Prince 2-1 pour décrocher le premier trophée national de l’histoire du football féminin.
La décision fut consommée en première mi-temps : ouverture du score par l’hirondelle Roselaine Merlin, égalisation de la tigresse Woodeleine Jacques, but de la victoire inscrit par la cayenne Marie-Lourdes Amazan. Un imparable tir de 45 mètres. Quelle récompense pour l’infatigable Marcel Mathieu qui, en voyage d’affaires aux Etats-Unis, n’a pu vivre en direct cette sonore performance de son équipe !
21- Lors de la saison 88-89, l’équipe des Tigresses surclassa tous ses adversaires pour remporter le championnat national sans enregistrer une défaite. À noter la performance de la redoutable Woodleine Jacques qui marqua 27 buts au cours de cette compétition où les partenaires de Solange Maitre firent cavalier seul. Elles ont dédié cette victoire à leur partenaire Guérina Faubert qui enregistra une grave blessure lors de le finale Tigresses-Hirondelles de 1988.
LA CONCACAF AU FÉMININ DE 1991 EN HAÏTI : LES AMÉRICAINES JOUAIENT DANS L’ESPACE
22- L’un des précieux souvenirs de l’exercice du football féminin en Haïti, c’est le tournoi de la CONCACAF organisé en avril 1991 au stade Sylvio Cator. Six sélections nationales pour un billet : Haïti et Jamaïque (zone Caraïbe), États-Unis et Canada (Amérique du Nord), Guatemala et Honduras (Amérique Centrale).
Sur le terrain, les Américaines étaient techniquement et physiquement au-dessus de la mêlée. Résultat, elles ont évolué comme à la parade (5 matches,49 buts pour, 0 contre). Elles étaient des extraterrestres.
Dans la 2ème partie de cette longue histoire sportive, place aux actrices haïtiennes et aux équipes qui se sont révélées après la balade concacafienne des Américaines : Aigle Brillant, Star des Gonaïves, Valentina, Essentiel, Nérilia Mondésir, Sherley Jeudi, Melchie Dumornay et les autres vedettes de la ř nationale U20 qui se comportèrent honorablement dans la Coupe du monde de cette catégorie qui eut lieu en France.
(À suivre)
Raymond Jean-Louis
Militant sportif