Il vient de Cité Soleil comme le boxeur Evans Pierre et il veut vendre autrement la réputation du plus grand bidonville d’Haïti. Il s’appelle Angelot Exilus et ses amis proches l’appellent Waby. Après 12 matches disputés et 10 buts inscrits, dont 4 doublés, le bonhomme de 21 ans depuis le 27 février 2020 réalise un début de saison extraordinaire avec Real Hope FA. Il évoque ses ambitions pour Le Nouvelliste
Enock NERE : Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir le football comme discipline sportive ?
Angelot « Waby » EXILUS : Je n’ai pas choisi le football. Je suis tout simplement avec cette passion pour le football, ce qui m’a permis de découvrir que je suis aussi né avec le talent pour pratiquer cette discipline. Dieu m’a donné ce don, que j’utilise pour pouvoir réussir ma vie et aider ma famille.
Enock NERE : Où avez-vous commencé à pratiquer le football avant d’intégrer l’Ecole nationale des talents sportifs (ENTS) ?
Angelot « Waby » EXILUS : J’ai commencé à pratiquer dans un petit club de quartier appelé Maranatha à Cité Soleil. C’est pendant que j’évoluais dans cette petite équipe qu’il y a eu une détection pour composer une petite équipe régionale infantile pour disputer le tournoi de détections en vue de recruter des enfants devant intégrer l’ENTS. J’ai été retenu d’abord pour cette petite équipe régionale puis dans l’équipe de la région Ouest/Centre qui représentait une partie de Port-au-Prince et après cette compétition qui s’est déroulée sur le plan national j’ai été retenu pour subir un dernier stage devant donner accès au ranch, ce que j’ai réussi. Voilà comment j’ai été admis à l’ENTS.
Enock NERE : Vous êtes bourré de talents mais ceux qui vous connaissent estiment que vous étiez « dezod », frondeur, capable de toutes les turbulences, genre Ronaldinho. Est-ce vrai et êtes-vous encore comme ça ?
Angelot « Waby » EXILUS : Que puis-je répondre contre de telles accusations ? Je vous dirais que quand on est jeune on a tendance à être turbulent. D’ailleurs peut-on trouver un enfant normal qui n’ait pas un côté petit diablotin en lui ? Mais au fur et à mesure qu’on grandit et qu’on comprend mieux la vie, on comprend mieux que le temps des bêtises est passé et qu’il faut qu’on prenne son existence en main. Aujourd’hui que je deviens mature et que j’ai des responsabilités ma vie est beaucoup plus disciplinée car j’ai compris que je dois être plus sérieux et très appliqué au travail pour réussir.
Enock NERE : Vous êtes ambidextre c’est-à-dire capable de jouer des deux pieds avec le même bonheur et vous ne vous en privez pas. Quel est votre rêve sur le plan footballistique ?
Angelot « Waby » EXILUS : Oui, c’est vrai que je suis ambidextre et ceci depuis le début dans le football. Ce n’est pas une particularité acquise à force d’un travail particulier. Je rêve par contre de progresser assez pour intégrer non seulement la sélection nationale de mon pays, mais aussi intégrer un grand club en Europe afin de faire la fierté et de ma famille et du quartier dont je suis issu (Cité Soleil) et enfin de mon pays. Je rêve de montrer au monde que Cité Soleil ne produit pas seulement des bandits armés comme on tend à le vendre mais qu’il produit d’autres catégories d’éléments dont le pays peut être fier.
Enock NERE : Vous avez évolué à Goias, au Brésil avant de revenir prêter vos services au Real Hope FA après avoir été refusé au Don Bosco. Pensez-vous que le championnat haïtien est une meilleure voie pour vous en vue d’un éventuel contrat à l’extérieur ?
Angelot « Waby » EXILUS : Honnêtement plus jeune je pensais que le Brésil m’offrirait plus de possibilité pour une porte ouverte en Europe mais aujourd’hui je pense différemment. Je me sens très bien et jusqu’ici je réalise un bon parcours dans notre championnat et pendant que je continue de travailler je pense que la délivrance n’est pas loin. Je ne vais pas m’endormir sur mes lauriers et je vais continuer à travailler plus régulièrement pour améliorer mes performances. Je pense que je serai plus en vue tout en nourrissant l’ambition de laisser mon nom dans l’histoire de cette compétition.
Enock NERE : Il parait que Natoux n’a pas reconnu en toi un footballeur digne de ce nom ?
Angelot « Waby » EXILUS : Oui, mais au lieu de me décourager, c’est ce qui me motive le plus. Il m’a dit qu’entendant parler de mes talents il espérait voir un footballeur mais que ce n’est pas ça. Je ne vais pas le contredire car l’argument du footballeur c’est sur le terrain qu’il l’apporte. Logiquement un entraineur devrait comprendre que quand on sort de deux mois d’arrêt complet on ne saurait être au mieux de sa forme le premier jour de la reprise parce que physiquement on est loin d’être à point, mais au lieu de cela il s’est moqué de moi en me disant qu’il attendait à voir Messi en moi pour ce qu’il avait entendu de moi. Je ne pense pas que ça s’arrête là car ce qui s’est passé me servira de leçon et me motivera à travailler beaucoup plus pour rester toujours en forme et que je me dois de lui donner la réponse sur le terrain le 19 novembre lors de la 13e journée* puisque le Don Bosco jouera contre le Real Hope FA.
*un rendez-vous qui n’aura plus lieu le 19 novembre puisque la journée a été reporté
Enock NERE : Le Real Hope FA a baissé pavillon 0-1 sur la pelouse du Triomphe AC lors de la 11e journée. Vous êtes resté muet, comment l’expliquer ?
Angelot « Waby » EXILUS : Le terrain est mauvais pour jouer au football mais ce n’est pas une excuse pour expliquer notre défaite. Nous avons fait un bon match là-bas et j’ai le sentiment d’avoir bien joué. J’ai marqué et l’arbitre a annulé mon but pour un hors-jeu que je ne m’explique pas puisqu’il y avait un défenseur plus près de la ligne de but que moi, ensuite j’ai marqué un second but qu’un défenseur a annulé en dégageant mon ballon sur la ligne de but. Il y avait tout simplement un jour sans car nous aurions dû gagner 2-1 et nous avons perdu 0-1.
Enock NERE : Beaucoup de joueurs évoluant en Haïti sont forts avec le ballon mais n’apportent pas beaucoup quand ils n’ont pas le ballon. Comment vous situez-vous dans ce contexte ?
Angelot « Waby » EXILUS : Je ne sais pas pour mes autres collègues footballeurs mais j’estime que c’est mon point fort et c’est ce qui fait la différence sur le moment. Le joueur qui n’a pas le ballon en football est d’ailleurs plus dangereux suivant son déplacement sur le terrain car son déplacement le porte vers le but adverse plus rapidement. Il y a un joueur de qui j’ai beaucoup appris en ce sens et ça m’aide dans le fait que j’inscris beaucoup plus de buts aujourd’hui qu’à l’époque où j’étais plus jeune et pourtant beaucoup plus vivace. Il s’agit de Cristiano Ronaldo et j’ai beaucoup appris en regardant évoluer ce joueur et je continue de travailler sur ce que j’ai appris de lui afin de devenir plus efficace et marquer plus de buts.
Enock NERE : A l’Ecole nationale des talents sportifs (ENTS) on avait tendance à vous faire jouer demi d’aile. Vous a-t-on utilisé à un autre poste au Brésil ?
Angelot « Waby » EXILUS: Au Brésil j’ai toujours évolué à ce poste dans un système de 4-4-2 et dans ce contexte j’ai beaucoup appris tactiquement dans le jeu durant mon passage là-bas.
Enock NERE : En quoi vous vous sentez idiot dans le football et sur lequel vous croyez devoir beaucoup travailler ?
Angelot « Waby » EXILUS : D’abord mon jeu de tête que je travaille beaucoup maintenant et ensuite mon apport défensif car je n’aimais pas trop participer au marquage, ce qui fait que je travaille aussi cet aspect de mon jeu.
Enock NERE : Rijkaard et Cristiano sont 2 joueurs qui travaillent beaucoup et leurs conditions physiques et leur football. Arcus Carlens semble être aussi un adepte du travail vous dites prendre Cristiano pour modèle mais travaillez-vous autant que lui ?
Angelot « Waby » EXILUS : Oui, je programme toujours un travail personnel en dehors de mes entraînements. Je ne manque jamais mon travail au gym et je m’arrange toujours pour avoir un entraînement personnel.
Enock NERE : Criatiano dors beaucoup en plus qu’il travaille beaucoup. Le Cap est une ville bruyante et vu que vous aviez la réputation d’aimer les ambiances bruyantes, parvenez-vous à récupérer comme il le faudrait ?
Angelot « Waby » EXILUS : Nous sommes logés loin des clameurs de la ville, ce que les gens appelleraient en dehors ; cela qui me permet de me reposer convenablement et bien récupérer.
Enock NERE : Comme Rachelle Caremus, vous êtes de Cité Soleil que dans le langage d’ici on appelle « le ghetto ». Parvenez-vous à retourner aisément dans le ghetto depuis votre retour du Brésil ?
Angelot « Waby » EXILUS : Oui sans problème parce que je fais la fierté de tous ceux qui sont dans le ghetto. Je n’ai aucun problème avec personne et je crois que tout le monde dans la cité m’accorde le respect auquel j’ai droit comme moi aussi je respecte tout le monde d’ailleurs.
Enock Néré
lenouvelliste.com