Nous vivons dans un pays étrange où l’on mène une guerre psychologique contre les sportifs qui refusent d’être bête. Dans certains centres de décisions où ne règne que le caporalisme, on ne tolère pas ceux qui, ne jurant que par les règlements, contestent sans relâche le pouvoir de la bêtise. Mais pour certains décideurs, les légalistes sont des écervelés qui ne comprennent pas le sens de certaines transformations. Un triste débat autour d’un « gâteau amer »…
Le paysage sportif haïtien étant très malsain, il est difficile de comprendre certaines formules « cousues sur mesure ». Au chapitre football notamment, de nombreuses pages sont illisibles, même pour les surdoués. À la faculté des transformations négatives où le « couleuvrisme » représente la principale matière de base, les conformistes débordent au sein de cette cynique institution. Et les professeurs pénalisent tous ceux qui osent dénoncer les règles de la « grammaire démagogique ».
Depuis quelque temps dans ce secteur, ceux qui se trouvent au pouvoir n’ont pas de pouvoir. D’ailleurs, ils n’auraient pas été admis s’ils étaient en mesure de s’imposer où de s’opposer à certaines dictées. Et quand, par hasard, ils arrivent un jour à faire un pas en avant, on les force demain à exécuter deux pas en arrière.
Cependant, assis au début de sa mission sur le « banc de l’indépendance », le staff fédéral, présidé par le regretté Jean Woël, s’est révélé performant. Si cette inoubliable équipe fit rêver les sportifs, c’est parce qu’elle croyait au dialogue et à l’ouverture. Ce qui l’empêchait de détecter ici et là des opposants ou des détracteurs, notamment au niveau de la presse sportive.
Quand on a la responsabilité de diriger une pareille entreprise, il faut savoir écouter, accepter la critique en tenant compte de certaines idées contraires, mais constructives ou réalistes. Un jour, répondant à un journaliste qui mettait l’accent sur le caractère démocratique de sa formation fédérale, Jean Woël déclara : « Notre football fait appel à une nouvelle approche, de nouvelle orientation et une certaine constance pour prendre un nouveau départ. Si on aime le football, il faut inciter tout un chacun à s’engager sur la voie de la reconstruction. Car le rôle de la FHF, c’est de favoriser la participation, afin d’augmenter le nombre de licenciés, d’entraîneurs et d’arbitres ».
Incontestablement, Jean Woël était un rassembleur, un échantillon de sportivité, un dirigeant courtois, une référence. L’ensemble de la presse sportive appuya ses démarches qui firent l’unanimité. Mais la mort faucha ce dévoué combattant sportif, moins d’un an après son arrivée à la tête du Comité exécutif de la FHF. Une flamme trop tôt éteinte. Et Jean Woël est parti avec ses idées et les vagues d’espoirs qu’il a soulevées.
Dirigeant exemplaire, sympathique à l’extrême, il était à cette époque pour le football le dirigeant qu’il fallait. En piétinant ses louables initiatives au profit de la collectivité footballistique, ses partenaires fédéraux, en se laissant manupiler, ont ouvert la porte à une stupide polémique qui déboucha finalement sur une rocailleuse division.
Les plumes des journalistes ont des oreilles pour capter les antisportives réactions de ceux qui, dans les coulisses, sanctionnent tout ce qui est positif. Faut-il être corrompu pour obtenir la bénédiction dans ce milieu pourri ? Notre football est réellement étrange…
Raymond Jean-Louis
Le Nouvelliste
Mercredi 6 novembre 1996
N.B.- Mon inséparable plume a plus d’oreilles aujourd’hui, vingt-huit (28) ans après avoir tracé ces lignes au tableau du quotidien Le Nouvelliste. Adepte de franches relations humaines, elle a des milliers d’amis dans le milieu sportif. Et mon micro, posté à la Radio Nationale, suivait les pas de ma combative plume.
Le 21 mars 2025, mes deux fidèles compagnons, d’autres plumes et micros sportifs que j’ai formés ou orientés par ma voix et mes écrits, m’accompagneront au concert de mes « 52 ans de service » sur le circuit de la presse sportive.
(Le Nouvelliste 6 novembre 1996)
Par Raymond Jean-Louis