Le vent de la mort a renversé un nouvel arbre sur le boulevard des gloires du sport national. Très tôt le dimanche 7 juin 2020, après quelques jours dans le coma, Roger Saint-Vil a pris place dans le train du « dernier voyage » à l’âge de soixante-dix (70) ans et six mois.
Pour le sport national, l’année 2020 est une « grande mangeuse », dans la mesure où elle a déjà broyé trois arbitres et plus d’une demi-douzaine de footballeurs. Ainsi, moins d’un mois après le violettiste Marc-Antoine Georges, « l’étrangleuse 2020 » a coupé le souffle de Roger Saint-Vil, l’un des rares artistes du ballon rond ayant endossé la peau du Vieux Lion et du Vieux Tigre dans la jungle sportive haïtienne.
Né le 8 décembre 1949, Ti Roger a passé environ un quart de siècle sur les terrains de jeu. Car le ballon était sa passion, son premier amour, un partenaire qui l’a accompagné sur tous les terrains que son talent l’a permis de fouler.
Son aventure débuta sur le circuit des efficaces compétitions de jeunes lancées par la Fédération haïtienne de football en 1963. Très remarquable dans les classes de base du Racing Club Haïtien, Ti Roger ne tarda pas à brûler les étapes pour atteindre le sommet de la montagne jaune et bleu lors de la 2e moitié des années 60. Il s’imposa tellement qu’il força l’entraineur national Antoine Tassy à sélectionner deux ailiers gauches racinistes, lui et le titulaire Edner Breton.
Attaquant rapide, Ti Rocher représentait un coriace adversaire pour tous les arrières droits au stade Sylvio Cator. Il n’était pas un soliste à la hauteur de son génial frère Guy Saint-Vil, l’un des monuments de notre football. Mais grâce à sa classe et son pied gauche souvent impardonnable, il a efficacement couvert le trajet de sa carrière.
Profitant de l’installation de l’entraineur Antoine Tassy sur le banc bleu et blanc à l’inter-saison 70-71, il retrouva, en compagnie de Raphaël Pierre, son meilleur ami Guy François au Violette Athletic Club qui enregistra aussi l’arrivée des victoristes Henry Francillon et Formose Gilles. Et le Vieux Tigre aligna cette saison un onze où figuraient neuf (9) internationaux.
Son meilleur match sous ses nouvelles couleurs, Ti Roger le disputa face au Don-Bosco de Pétion-Ville dans le cadre du premier tour de la Coupe Pradel 70-71. Irrésistible ce soir-là, Ti Roger tailla en pièces la défense pétionvilloise pour inscrire trois des quatre buts du Violette. À l’arrivée 4 à 1 en faveur des Tigres. Mais en dépit de l’artillerie bleu et blanc, ce furent les partenaires du lourd tandem jaune et noir Manno Sanon-Jeannot Paul qui remportèrent le trophée à l’occasion de cette compétition de quatre (4) tours.
Lors du Prémondial de 1973 disputé à Port-au-Prince, Roger Saint-Vil marqua face à la pimpante équipe de Trinidad le but de la victoire à moins de cinq (5) minutes de la fin. Score final 2 à 1. Un nul ce soir-là aurait été défavorable à la sélection nationale. Et Haïti gagna son billet pour le mondial de 1974 avec un petit but de plus que la sélection de Trinidad.
À Munich 74, Ti Roger faisait naturellement partie de la troupe nationale. C’était sa dernière compétition au niveau internationale. De retour au pays, il retrouva la scène de la Coupe Pradel avec ses partenaires bleu et blanc. Et il décrocha le dernier galon de sa carrière lors de l’épreuve pradélienne de 75-76 remportée par le Vieux Tigre. Puis, à l’occasion de la saison 77-78, Ti Roger retrouva la tunique jaune et bleu du Vieux Lion. C’était le dernier chapitre de sa carrière en Haïti.
Enfin, Ti Roger roula le ballon aux Etats-Unis pendant quelques années. Décédé à New-York le dimanche 7 juin 2020, Roger Saint-Vil est le 8e disparu de la « génération Toup pou yo ». Sur la tribune des défunts sportifs, il retrouve ses devanciers Formose Gilles, Fritz Léandre, Arsène Auguste, Emmanuel Sanon, Guy François, Serge Racine et Claude Barthélémy.
Raymond Jean-Louis
New-York, le 9 juin 2020