Le Brésil a remporté l’édition 2019 de la Copa America en battant le Pérou 3-1 en finale dans l’indifférence quasi générale en Haïti ce dimanche 7 juillet. Tous les regards étaient surtout portés sur la finale de la Gold Cup remportés 1-0 par le Mexique aux dépens des Etats-Unis, augmentant un peu plus l’ampleur de l’injustice subie par Haïti à travers ce coup de sifflet en demi-finale.
Ahurissant ! Étonnant ! Un Brésil champion ne fait pas sortir des bandes de rara en Haïti un dimanche soir. On aura tout vu entre le 15 juin et le 8 juillet 2019. Déjà, la réaction de la population haïtienne après le Brésil vs Argentine du 2 juillet avait surpris. Tout un peuple restait scotché au petit écran pour voir évoluer sa sélection face au Mexique et surtout se réveiller le 3 avec cette rage impuissante contre le coup de sifflet injuste de l’arbitre. On était prêt à accepter une élimination aux tirs aux buts. On se serait pris au mauvais tireur, à la chance, à la déveine. Mais se voir privé d’une finale dans de telles circonstances rageait au point où certains ont cru bon de faire signer une pétition de protestation.
Et le Mexique remporte la Gold Cup…
Le Mexique, en battant les Etats-Unis 1-0 en finale de la Gold Cup 2019, a remporté la 15e édition de cette compétition dans la soirée du 7 juillet dans un climat plutôt morose au pays des Grenadiers. Chaque téléspectateur s’est donc illusionné, surtout que ce but de Jonathan Dos Santos inscrit au Soldier Field de Chicago a propulsé le Mexique sur un fauteuil destiné à Haïti ; puisque chaque Haïtien croit dur comme fer que cette fois-ci, Haïti aurait battu les Etats-Unis en finale pour remporter sa première Gold Cup de l’histoire depuis 1991. La majorité des Haïtiens jugent ce titre du Mexique comme une usurpation occasionnée par le coup de sifflet injuste de M. Abdylrahman.
« Nou t ap chanpyon », entend-t-on ici et là, comme si jouer la finale serait synonyme de victoire pour les Grenadiers. « C’est parce qu’ils savent que nous l’aurions remportée qu’ils nous ont donné cet arbitre qatari en demi », clame-t-on. Pour chaque Haïtien, on a volé un titre aux Grenadiers. Les joueurs haïtiens ont-ils eu ce même sentiment ? Difficile à dire, car on n’a pas pu le vérifier auprès d’eux après la victoire mexicaine. En effet, si plusieurs sont partis rejoindre leur club en Europe au point de n’avoir pu venir recevoir ce bain de foule qui les attendait à Port-au-Prince, il reste que certains d’entre eux se sont quand même payé une petite visite en Haïti, même en catimini pour éviter de se faire asphyxier par cette passion débordante qui les attendait chez leurs nombreux fans. Et on n’a pas pu les toucher là où ils jouissent d’un moment de répit. Toujours est-il que leurs discours avant la finale au moment de rentrer au pays laissaient entrevoir une grosse amertume du fait qu’ils ont laissé la compétition à cause d’une pointe d’injustice flagrante contre quoi ils sont impuissants.
Steeven Saba, Dutherson Clerveaux et Alexis Jimmy Bend, les trois joueurs émanant directement du championnat haïtien de football dit professionnel, sont arrivés par trois vols différents pour éviter le déplacement en masse du public (c’est nous qui le déduisons) ; ce qui n’a pas empêché que ceux qui en ont eu vent se sont déplacés à leur rencontre. Wilde Donald Guerrier est venu quand même en vacances avec sa famille en dépit du fait que le club avec qui il est lié doit jouer la Ligue des Champions. Duckens Nazon, touché depuis devant le Costa Rica, est venu se ressourcer en Haïti et a été accueilli par une bonne brochette de fans.
Chacun de ces athlètes a, à sa façon, exprimé cette pointe de déception extra sportive qui marque la fin de l’aventure d’Haïti à la Gold Cup 2019. Sportifs, ils savaient que perdre faisait partie du jeu et ne l’accepteraient que s’ils se trouvaient face à des adversaires qui les auraient battus à la régulière. Mais ils sont amers puisque cette défaite porte l’empreinte d’une grossière erreur et ils ont le sentiment d’avoir été illégalement privés de ce qui leur revenait de droit. Steeven Saba fait l’éloge de l’ambiance qu’il a pu trouver en sélection et regrette la manière dont l’aventure s’est terminée. Nazon croit que cette erreur d’arbitrage est liée en partie avec la dimension de notre nation.
Heureusement ils semblaient ignorer encore que l’arbitre est labellisé Mexicain alors qu’il arbitrait un match du Mexique…
Une finale qui donne des regrets aux fans haïtiens
La performance des Etats-Unis face aux Mexicains en finale laisse aux fans haïtiens l’impression que leur sélection a été privée de quelque chose d’énorme, de grandiose, d’historique à cause de ce mauvais jugement de l’arbitre qatari. Moins de 24 heures après la finale, cette phrase résonne en boucle dans les tap-tap, dans les marchés, dans les rues et même dans quelques bureaux. « Sans ce jugement de l’arbitre, Haïti serait championne, car en analysant la performance des Américains face au Mexique, on les voit difficilement venir à bout de l’équipe haïtienne. Malheureusement, il y a eu ce jugement de l’arbitre pénalisant tout un peuple, mais aussi pénalisant le football et l’image qu’on en fait. »
Pour la première fois depuis 1980, le Brésil remporte une compétition sans provoquer de manifestation de joie dans les rues de Port-au-Prince. Le Brésil bat l’Argentine en demi-finale de la Copa America sans que cela ait un aspect de catastrophe pour les uns et l’expression de toutes les satisfactions pour d’autres. Un coup de sifflet de travers et 10 millions d’Haïtiens semblent avoir perdu leur foi dans le sport au point de ne plus se soucier de la finale de la compétition dans laquelle leur équipe nationale a brillée. Impensable avant le mardi 2 juillet.
Enock Néré
lenouvelliste.com