La dégradation de la situation sécuritaire dans le pays touche toutes les couches sociales. Elle semble s’être accélérée ces dernières soixante-douze heures, avec un grand nombre de déplacés dans diverses zones de la région métropolitaine de Port-au-Prince. Parmi les nouvelles victimes de cette vague de violence des gangs armés figurent des footballeurs. Ronald Pierre, footballeur, a dû abandonner sa maison située à Delmas 30. Il est aujourd’hui à la recherche d’un abri pour sa femme et ses deux filles. Sa situation illustre la réalité de plusieurs autres sportifs en perte d’espoir.
C’est un fait : depuis le lundi 24 février 2025, la capitale haïtienne plonge dans le chaos. La violence orchestrée par les gangs armés s’intensifie dans plusieurs quartiers. Les déplacés internes se multiplient, les victimes augmentent de manière exponentielle. Si chaque secteur tente de recenser ses membres, les footballeurs, eux, sont livrés à eux-mêmes. Aujourd’hui, les clubs ne sont pas en mesure de répondre à leurs besoins, d’autant que la majorité des joueurs actifs ne disposent pas d’un contrat régulier. Comme beaucoup de déplacés, Ronald Pierre vit ses pires moments. Il a vu ses voisins tués, d’autres blessés. Aujourd’hui, il dort à la belle étoile avec ses filles.
« Je savais que la situation pouvait s’aggraver à n’importe quel moment, mais je n’imaginais pas que ce serait aussi rapide. Ma famille et moi avons été sauvés de justesse. Les assaillants ont agi avec une cruauté sans pareille, n’épargnant ni enfants ni femmes. Aujourd’hui, je suis l’une des victimes de la zone. Je ne suis pas le seul athlète dans cette situation, et ni les clubs ni la fédération ne peuvent nous assister. Cela prouve à quel point le football est mal organisé. Je ne le demande pas pour moi, mais il est urgent que des dispositions soient prises pour aider les joueurs en difficulté », a-t-il déclaré d’un air désespéré.
Contacté par téléphone à ce sujet, le secrétaire général de la Fédération haïtienne de football, Patrick Massenat, informe que la FHF dispose d’une direction des affaires des joueurs dans ses règlements, qui avait pour mission de recueillir des données sur les joueurs. Malheureusement, ces règlements n’ont jamais été votés, rendant ainsi la direction inopérante. Le deuxième problème, avance le SG, c’est que les clubs ne disposent pas de données actualisées sur leurs joueurs. Face à cette situation, il est donc difficile de savoir quel joueur est en difficulté ou non. Il espère que le prochain comité exécutif, qui prendra la tête de la FHF, pourra s’appuyer sur le travail du comité de normalisation pour adopter les statuts et règlements nécessaires afin de résoudre définitivement ce problème.
Pour sa part, Saul James, joueur actif du FC Delmas, club de deuxième division, ne sait plus à quel saint se vouer. Il en est à son troisième déplacement après Delmas 3, Christ-Roi et maintenant Tabarre, disant qu’il perd graduellement l’envie de continuer à jouer au football. Le pire, c’est qu’il ne dispose pas de contrat et qu’il devra quitter cette maison familiale. Il ne sait ni où aller ni quoi faire pour améliorer sa situation. Plusieurs autres joueurs se trouvent dans une situation similaire, victimes et délaissés.
Il est évident que les footballeurs, comme les sportifs en général, sont parmi les victimes directes de cette crise. Cela relance le débat sur le statut des joueurs et la structuration du football haïtien. Le secteur doit être mieux organisé pour répondre aux exigences de l’heure. Sinon, on risque d’assister à une fuite massive des ressources humaines vers d’autres secteurs mieux structurés, capables d’offrir un minimum d’encadrement aux acteurs directs.
NB : Les noms utilisés dans le texte, à l’exception de celui du secrétaire général de la FHF, sont des noms d’emprunts, sur la demande des interviewés pour raison de sécurité.
Kenson Desir
lenouvelliste.com