La sélection nationale de football sénior d’Haïti (les Grenadiers) a réservé sa place pour la Coupe du Monde de la Fifa en 2026. Au terme d’une nuit magique les petit-fils de Dessalines ont transmis à tout un peuple, souffrant, une overdose de fierté et de sublime.
Le 18 novembre 2025 les Grenadiers avaient rendez vous avec l’histoire. Et bien ils ne l’ont pas loupé. L’adversaire du jour, le Nicaragua encostumé en trouble fête, a vite déchanté. Négligeant sans doute que les Grenadiers sont invincibles les 18 novembre dans leurs statistiques footballistiques.
Dauphin du groupe C (8 pts), et barragiste à partir de cette position, Haïti se devait d’aller chercher une victoire pour son ultime match, tout en espérant que le duel, annoncé, féroce entre le 1er du groupe Honduras (8 pts, +3) et le Costa Rica (3e, 6 pts) accoucherait d’un score favorable aux ambitions haïtiennes, à savoir une qualification directe pour le mondial nord americain de 2026.
HAÏTI – NICARAGUA : 2-0
Après avoir entamé le match tout en maîtrise, les Grenadiers ont ouvert la brèche qualificative grâce à Don Deedson Louicius à la 9e minute de jeu. Une réalisation qualifiée de but de grand joueur par le mondialiste de 1974, Marion Léandre. Il faut dire que la finition possède certains attributs pour mériter un tel compliment de la part de cet aîné. En effet, à la réception d’une passe dans les 25 mètres nicaraguayens, tout près de la ligne de touche couloir droit, l’haïtien a d’abord fait un déplacement vertical puis latérale par rapport au but adversaire. Entre crochet extérieur dévastateur et rapidité, le buteur a trouvé en josué Casimir dans la surface adverse, dos au but une magnifique remise, pour continuer son œuvre de conquérant. Après avoir passé en revue plusieurs défenseurs adverses l’originaire de Tabarre a conclu avec une frappe du gauche à l’entrée de la surface de réparation ….Sublime !
Le deuxième but, œuvre de Rubens Providence de la tête, à la 45’+1, sur un centre doctement exécuté par Carlens Arcus côté droit, a définitivement clos le débat des temps réglementaires.
HAÏTI DANS LA LUMIÈRE
Au terme des temps règlementaires et des minutes additives, les Haïtiens de tout poil ont dû patienter pour le coup de sifflet du duel entre Costaricien et Hondurien. Bataille soldée par un 0-0, synonyme de bonheur monumental pour tout le pays.
UNE SOIF ÉVIDENTE DE BIEN-ÊTRE
En un clin d’oeil, les Haïtiens ont gagné les rues partout dans le monde. À Curacao, siège forcé des Grenadiers pour ses matchs locaux. Aux Gonaïves, à Saint Marc, aux Cayes, au Cap-Haïtien sous la pluie, mais surtout dans la région métropolitaine de Port-au-Prince qui est prise en tenaille par les nouveaux fossoyeurs de la patrie. Qu’importe les amoureux du pays ont foulé le macadam avec un supplément de fierté perdue depuis fort longtemps. Une attitude spontanée qui a édulcoré la menace ambiante et systématique qui pèse sur leurs vies au quotidien.
Par opposition aux meneurs de cette insécurité dirigée et programmée contre le pays, les premiers nègres du monde occidentale ont montré leur attachement aux nouveaux forgeurs de l’histoire nationale. Histoire footballistique et nationale floquée pour cette fois d’un grand H.
LES VISAGES DU SUCCÈS
La bien-aimée équipe nationale des Haïtiens doit aussi son précieux sésame au nicaraguayen, tombeur des Honduriens, à l’avant-dernière journée des éliminatoires. Mais aussi et surtout à ses propres éléments. D’abord le binôme Nazon-Placide / Placide – Nazon. Les deux par leur stature font figure de leader/ meneur incontesté. Expériences et matchs de référence sont à la pelle dans leur CV chez les Grenadiers. Pour preuve, les 2 ont marqué les esprits notamment contre le Costa-Rica. Pour le fiancé du Stade Sylvio Cator, meilleur buteur des éliminatoires pour la Concacaf, c’est ce fracassant triplé marqué contre Keylor Navas (3e match). Pour le capitaine des Grenadiers, c’est lors du 5e match, toujours contre les Ticos. Le vétéran Haïtien de 37 ans a signé 6 parades décisives. L’un et l’autre au terme de ces prestations abouties, ne sont plus de relations recommandées par ses malheureux centres américains. Rien que ça !
En parallèle, n’oublions pas au milieu : l’oxygénation du jeu avec maestria par Jean-Ricner Bellegarde , les chevauchées agressives de Casimir et Providence, les allers et retours sans interruption -comme ses porte faix de nos marchés publics- du tandem Leverton-Danley pour colmater ne serait-ce qu’une brèche microscopique.
En défense, Ricardo Adé a su hisser le niveau pour montrer pourquoi une partie du continent sud-américain soupire après ses compétences footballistiques. Sur les côtés, Carlens Arcus est toujours régulier…égal à lui-même, à gauche Duke Lacroix s’est révélé précieux. Tout ce bouillonnement d’activité est coordonné depuis le banc par l’architecte en chef : Sébastien Migné. Ce dernier est maintenu à son poste par le Comité de normalisation malgré la claque reçue contre les Honduriens 3-0 !
À propos du technicien français, le média Sport passion Info, l’un des plus critiques du français de 53 ans, après la gifle hondurienne, vient de faire amende honorable à son endroit avec ce titre paru sur son site le 21 novembre : « Sébastien Migné : L’architecte de l’exploit haïtien ». Ce titre peut être perçu comme une reconnaissance engoncée dans la grandeur d’âme !
HAÏTI FAIT LA UNE DU MONDE POSITIVEMENT
Suite à cette qualification, la Presse internationale a jeté un regard sur nous comme celui qu’avait Anaïse pour Manuel dans le Gouverneur de la rosée de Jacques Roumain. Une salve de compliments et de paroles agréables est remarquée dans ses médias pour l’équipe nationale haïtienne. Cette prouesse ne s’est pas bornée aux seuls médias sportifs. Même des journaux généralistes tels que, Reuters, Miami Herald, RFI, BBC, Kicker, Listin Diario, Times of India sont venus déposer des Lauriers aux pieds de nos Grenadiers.
PERSPECTIVES
Pour que le pays puisse continuer à s’exsuder pour sa bien-aimée équipe nationale de football, ou toutes autres éléments porteurs de fierté et de dignité nationale, il faut un renversement de paradigme dans le secteur sportif national. Le sport dans une approche pluridisciplinaire peut contribuer sérieusement à l’atténuation de certains maux sociaux.
Rien qu’en dotant le territoire national d’installations sportives, de cadres bien formés, d’accompagnement pour les fédérations sportives, de structures de formations comme le projet Injess, de chaire universitaires sur le sport et d’une législation sportive moderne, le renversement de paradigme poindra à l’horizon.
Entre-temps, le mondial nous attend. Dans cette attente folle, nous continuons à consommer notre extase si particulière de douceur. Nous pensons avec émotions et reconnaissances aux immortels de 1974, qui ont à cette date enregistré neuf membres décédés.
En Amérique du Nord, l’esprit du 18 novembre ne doit pas nous quitter. Le faire mieux par rapport à 1974 est notre mission. Puisqu’il s’agit du niveau mondial, celui-ci est bien diffèrent du niveau de la Concacaf. C’est pour cette raison, mais pas seulement, que nous devons nous présenter en conquérant chez ces trois nations faîtières de la Coupe du monde.
GRENADYE ALASOOOOOO !
Jacques Montour, journaliste sportif / Certifié en administration sportive








































