Phase finale de la Coupe du Monde U-17 au Brésil, Ligue des nations de laConcacaf 2019, Éliminatoires Coupe du monde U17 féminin, Eliminatoires Coupe du monde U-20 féminin, le football haïtien a encore un agenda chargé après sa brillante Gold Cup 2019. Entre la brillante Gold Cup d’Haïti et l’avenir du football haïtien, le président de la Fédération haïtienne de football, Yves « Dadou » Jean-Bart, fait le pont dans cette interview exclusive accordée au Nouvelliste.
Enock Néré : Comment vivez-vous le fait que la sélection nationale haïtienne attise tant l’euphorie des Haïtiens, qu’ils oublient un Brésil vs Argentine ou un titre remporté par le Brésil ?
«La Gold Cup, comme une bouée de sauvetage »
Yves « Dadou » Jean-Bart : Peut-être les moments difficiles que vit la nation rendent la vie de plus en plus précaire mais aussi à cause du désespoir des uns et des autres de voir Haïti s’engager dans la voie du bien vivre par une harmonie entre ses fils, rendent les uns et les autres pessimistes. D’où cette cette lampée à prion sur la participation haïtienne à l’édition 2019 de la Gold Cup, cette bouée de sauvetage à laquelle chacun essaie de s’accrocher pour se donner des motifs d’espoir. Il ya aussi et surtout la physionomie des matches où à chaque fois, l’équipe s’est retrouvée dos au mur, menée à la marque et la réaction rageure qui à suivi en 2e mi-temps qui sied bien à l’esprit ancestral de ne jamais renoncér. Ces sortes de «remontada » ont sans doute séduit et la réaction des joueurs a ému et conquis plus d’un; c’est à peu près le comportement de nos filles U-20 l’an dernier aussi bien en éliminatoires face aux USA en janvier 2018 ou au mondial lui même avec des retours en seconde période 0-2 contre la Chine puis 1-2, 0-3 contre l’Allemagne puis 2-3 explique cette euphorie.
EN : Parlez-nous des différents agendas qui nous attendent ?
YDJB : Un agenda extrêmement chargé avec quatre éliminatoires de compétition mondiales. On commence avec le 1er tour des éliminatoires olympiques d’abord programmé en Haïti mais déplacé à notre grand désespoir à Caymans Islands en raison de la situation sécuritaire en Haïti par la FIFA. Dans deux semaines (1ère quinzaine d’août) nous serons sur deux tableaux en même temps : BRADENTON aux USA pour les garçons U-15 en D1 avec un calendrier assez costaud avec une entrée en lice contre la puissante équipe des USA. Dans cette catégorie, nos garçons sont bien préparés mais souffriront d’un manque d’expérience internationale ( ils avaient raté le tournoi U-14 l’an dernier en raison des émeutes politiques de juillet 2018).
Les filles U14 à Porto Rico
La même semaine du 1er au 13 août, nos filles U-14 se déplaceront à Porto Rico pour le challenge Caraïbe de la catégorie (une belle sélection préparée depuis trois ans par les coaches Harold Edma et Socrates). Dommage que les circonstances au pays ne leur aient pas permis de jouer quelques matches de mise en jambe car, mise à part l’avant centre Wadia qui avait été à Moscou avec la FIFA à 13 ans, toutes les autres en seront à leur première expérience internationale. Cependant, elles ont du talent et ont beaucoup appris en trois ans avec les coaches Roselène Joseph , James Morisset , Denis Méus et ont même joué Le Championnat national (Coupe du Parlement) avec l’équipe Camp Nous I.
Septembre : Ligue des nations catégorie
Et puis en septembre, octobre, novembre le grand départ de la Ligue 1 des nations avec les matches contre Curaçao et Costa Rica, compétition qui marque le début des éliminatoires Qatar 2022, puisque dans les compétitions internationales et le système de classement tout s’enchaîne. Même les matches amicaux sont déterminants.
Coupe du Monde de la FIFA U17 au pays de Pelé à partir du 27 octobre
Du 27 octobre au 17 novembre la phase finale de la Coupe du monde Brésil U-17 FIFA 2019 dans un groupe très relevé, Haïti étant le seul petit pays qui devra faire face au Chili, à la France et Corée du Sud.
Trois autres rendez vous majeurs pour les filles : du 30 septembre 1er octobre avec les tours des éliminatoires olympiques filles théoriquement au pays avec un tour final au 1er trimestre 2020 aux USA, la phase finale Concacaf des éliminatoires de la Coupe du monde U-17 filles (Haïti étant exempt du premier tour se jouant actuellement en raison de ses résultats entrera en lice lors de la phase finale Concacaf) et la phase finale de la Concacaf des éliminatoires pour la Coupe du monde U-20 filles en décembre à Bradendon (les préliminaires se jouent aussi maintenant mais le classement d’Haïti dans la zone le permet d’entrer en lice seulement en phase finale Concacaf).
EN : Le gouvernement est venu au secours des Grenadiers à la dernière minute à hauteur de 25 millions de gourdes. Était-ce exactement ce que nécessitait le moment pour la participation des Grenadiers à cette phase de la Gold Cup ?
YDJB : Nous avions présenté une requête à l’État haïtien d’environ 600 millions de gourdes: le tiers de ce montant devrait servir à répondre aux besoins de la Concacaf nations League/Gold Cup qui a commencé il ya 10 mois et qui a occasionné des dettes assez élevées, puisque nous n’avions reçu aucun support et nous ne disposions pas de sponsor pour nous aider alors qu’il nous fallait jouer des matches avec de longs déplacements, de nombreux stages, engager des spécialistes pour encadrer les équipes sans compter de coûteux voyages en Europe (nos garçons U-17 qui ont été se préparer jusqu’en Roumanie et nos filles U-17/U-20 ont été s’entraîner à Paris et qui ont joué un tournoi à Marseille contre de grandes formations féminines Japon, France, Corée du Nord, Gabon ) en vue de préparer les éliminatoires pour les mondiales féminines à venir.
Le 2e tiers (220,000) $ US constitue le montant du paiement d’une indemnité imposée par la Fifa pour retard de paiement de salaire impayé aux deux anciens coaches français (ndlr : Patrice Neveu) qui ont obtenu gain de cause auprès de la commission du statut du joueur de la FIFA. Ce dossier est en souffrance devant le gouvernement depuis mars 2016
Nous avons reçu une tranche d’environ 260,000 S US et nous avons remercié le gouvernement notamment le président et le Premier ministre de cette attention en pleine tempête générale. Nous espérons pouvoir sous peu obtenir encore une subvention car nous avons des échéances proches, les championnats nationaux et les clubs et tous ces rendez-vous déjà cités
EN : D’autres échéances nous attendent avec la sélection olympique aux Iles Caïmans, la sélection nationale U17 féminine qui doit disputer les éliminatoires à Bradenton, les Grenadiers qui sont engagés dans la Ligue des nations de la Concacaf et surtout la Coupe du monde U17 au Brésil. Quel budget cela va-t-il nécessiter ?
YDJB : Nous avons la chance de compter sur des jeunes qui adorent leur pays et qui se donnent à fond pour mériter chaque jour la fierté de chacun de nous. Dès 4 heures du matin et tard dans la soirée, ils se donnent totalement pour leur pays et leur équipe. Le meilleur du football haïtien est pour demain car, depuis leur qualification pour la phase finale de la Coupe du monde, après un temps de récupération, ils sont au travail et nous qui sommes du football, nous frappons à toutes les portes pour monter et financer un programme sérieux. Nous avons une offre du Racing Club Strasbourg pour un stage en Alsace ; nous envisageons un stage en France. D’abord ; la Fédération française travaillait avec nous sur un projet d’assistance entamé bien avant le tirage au sort. Nous envisageons aussi d’aller en stage en Argentine. La FIFA sûrement va nous aider. Notre partenaire SAETA a commencé la production des équipements, mais nous espérons un support de TOUS LES HAÏTIENS car a ce mondial au pays roi du football nous voudrions marquer l’histoire.
EN : On sait que la brillante participation haïtienne à la Gold Cup rapporte aussi quelques dividendes. On parle de deux cent mille dollars. Dans un pays où les sous engendrent tellement de suspicion, peut-on savoir comment cet argent sera utilisé ?
YDJB : Attention, j’ai lu le terme «Rapporte». Souvent il est impropre et même très impropre. La Gold Cup a commencé depuis septembre 2018 nous avons joué en Haïti en septembre puis en octobre en Martinique , en novembre en Nicaragua et nous avons été au Salvador ; nous avons reçu Cuba en mars puis nous sommes allés en stage en Floride, avons été jouer au Chili et avons terminé cette première phase au Costa Rica avec un stage de 8 jours dans des grands centres d’entraînement.
Les frais de matches, d’hôtels, d’avions, de coaches. Médicaux, per diem, primes de matches tout ça dépasse les 600,000 dollars. Lorsque nous avons 23 joueurs, 5 coaches, monteurs vidéos, officier de communication, kiné, médecin. Les frais d’avion seulement ont dépassé deux cent mille, les frais de per diem pour 40 jours et de primes de matches plus de 400,000 pour joueurs et techniciens. C’est d’ailleurs mon seul point d’intervention auprès du conseil de la Concacaf à la réunion précédant la finale. La Gold Cup affaiblit et ruine les fédérations. Le régime financier est faible : 100,000 dollars à chaque équipe participantes , 25 000 dollars par tours franchis (pour Haïti demi finale soit 100 000 plus 25 000, plus 25 000 donc soit 150 000 dollars auxquels il faut ajouter 50 000 dollars de remboursement de billets d’avion ). Le chiffre paraît impressionnant mais il ne suffit pas à payer les primes de victoire et de qualifications ; Dieu soit loué l’État à apporté quelque chose au début du tournoi et un plus avant le match contre le canada surtout que la Concacaf devra déduire les frais additionnels en hôtel, en avion, en nourriture, en tickets de matches et éventuellement en amende.
C’est grâce à la Fifa et la Concacaf que nous avons pu disputer la 1re phase très longue sans subvention et sans sponsor ; rassembler l’équipe nationale A (filles ou garçons) avec tous ces joueurs et coaches en provenance des quatre coins du monde exigeants des billets d’avion obligatoirement achetés au dernier moment compte tenu des engagements avec les clubs , avec en plus les frais d’hôtel pour des délégations avoisinant 40 personnes coûtantrès très cher alors que les recettes de match dans un petit stade et une population au pouvoir d’achat très bas, c’est une grosse souffrance; quand en plus vous avez dix équipes nationales en concentration permanente, environ 40 coaches, autant de professeurs d’écoles, soins médicaux autres ; heureusement tout l’encadrement administratif haïtien est bénévole et les joueurs passionnés sinon on parlerait d’équipes nationales au passé
EN : Peut-on espérer en s’y référant que la sélection nationale serve un peu plus de vitrine au football haïtien en général y compris les joueurs locaux ?
YDJB : La FHF n’a jamais et aucune fédération de football ne peut avancer pareille contre vérité. Nous affirmons deux choses : la représentation du pays à l’étranger doit être faite par les meilleurs haïtiens à leur poste peu importe le pays dans lequel il évolue. En football, il y a un système de vases communicants permanent. Les joueurs de talent quitteront obligatoirement leur pays de formation pour un autre au niveau plus avancé et remplissant de meilleures conditions pour progresser. Est-ce-à dire que le joueur qui signe ailleurs perd automatiquement sa place en sélection ? D’ailleurs ces derniers temps près de 30 joueurs filles ou garçons ont signé à l’étranger ; est-ce à dire qu’ils ne doivent plus être appelés ? Le sport a remplacé les anciennes formes de concurrence et de guerre entre les nations. Le pays, son honneur, sa fierté, l’orgueil national sont trop importants pour notre pays et son histoire pour réduire l’expression de notre fierté aux considérations de lieu de naissance géographique . Le fils de George Weah joue pour les USA, Même Pelé au crépuscule de sa carrière a du émigrer au New York Cosmos. Messi a quitté l’Argentine à 12 ans. La Colombie, le Brésil, l’Argentine sont de grands exportateurs de footballeurs. Une équipe nationale doit être composée des meilleurs du pays . C’est un de nos récents nationalistes présidents qui faisait du fait de combattre l’exclusion, l’un des thèmes de sa campagne politiques
La Ffrce de l’équipe nationale et de toutes nos sélections résident dans leur solidarité et leur combativité ; d’ailleurs notre espoir et nos objectifs est qu’Haïti devienne comme les Sud-Américains, les Africains ou même les Asiatiques un grand exportateur de football.
Suivez bien : d’ci peu, Saba et Jimmy Bend qui ont marqué la Gold Cup n’évolueront plus en Haïti ; c’est la loi du jeu même la France, la Belgique qui sont despays développés n’échappent pas à cette loi. C’est d’ailleurs pour cela que nous prônons et investissons autant en formation et en académies, combattons la misère et l’exclusion dans le pays en favorisant les jeunes à faire de bonnes études (scholarship) dans des conditions matérielles plus décentes ici où à l’étranger. Si chaque année on pouvait exporter à l’étranger tous les joueurs licenciés ici, le pays se porterait mieux. Cela ne dérangerait en rien le niveau du championnat national car le pays produit des joueurs comme de mauvaises herbes et nous n’avons pas les moyens de les faire tous jouer et Haïti n’a pas ni les moyens ni les conditions pour les faire atteindre le niveau auquel ils peuvent aspirer.
EN : La blessure de Meshack a été un coup dur, la mort de son oncle une fatalité. Pourtant le groupe est resté soudé tout en pensant à lui. Quelle méthode le staff a-t-il utilisé pour gérer aussi bien une telle situation ?
YDJB : Sur le coup, j’ai pensé à une catastrophe et nous tous nous sommes à imaginer divers scénarios. Mais la force de groupe et le fait d’avoir rajeuni l’équipe qu’il y a deux ans a amené la solution. Andrew a quand même joué dans les sélections américaines de jeunes et en MLS suivant les traces de son père très bon joueur du Victory en Haïti. Après avoir passé deux ans dans le championnat malaisien. il est retourné en Suède et à ainsi retrouvé le niveau de l’époque où il jouait à Portland et aux Reds Bulls. Jems Geffrard et lui qui sont arrivés après la Copa America ont montré qu’ils étaient mieux que des remplaçants
EN : Saba, Placide, Brian Alcéus, Wilde Donald Guerrier…vous êtes dans leur entourage et on suppose qu’après leur parcours à cette édition de la Gold Cup, leur côte monte un peu. Y a-t-il des demandes pour nos joueurs ?
YDJB : Nous souhaitons constamment du mieux et même du très bon pour nos joueurs. Leur bonne prestation en Gold Cup devrait tous les aider ; même si cela dépend aussi de leur agent. Nous restons très près d’eux et les encourageons, eux et leurs parents qui ont beaucoup investi, pour qu’ils deviennent les bons joueurs qu’ils sont aujourd’hui (vendredi 12 juillet 2019). Énock Néré, compte tenu du fait que le marché est très compétitif et Haïti n’est pas encore perçue comme une grande nation de football, ces contacts sont confidentiels et ne passent pas par nous.
EN : On est parti de loin pour se hisser sur le podium de la Concacaf pour le moment devant des nations comme le Canada, le Costa Rica, le Honduras, le Salvador. Quel est le prochain objectif au classement et dans les échéances qui nous attendent ?
YDJB : Dans le domaine du football, l’objectif reste le même: gravir chaque jour dans la hiérarchie. C’est vrai que les autres nations membres de la FIFA partagent la même ambition et la plupart d’entre elles ont, non seulement et de loin un meilleur budget que nous et certainement moins de contrainte comme environnement. Peut-être avons-nous une longue tradition dans le jeu et aussi une passion qui pousse tous les acteurs du jeu chez nous à souffrir et à tout donner vu les exigences de résultats qu’ils ont et qui n’existent nulle part ailleurs.
EN : Dans l’immédiat qu’est-ce qui est fait pour retoucher concrètement le stade avant septembre et la Ligue des Nations de la Concacaf ?
YDJB : Nous avons été chanceux et nous devons féliciter tous les bénévoles qui apportent leur collaboration au secrétaire général dans le montage du délicat dossier et aussi le bureau de la FIFA de la Barbade qui nous a bien accompagné aussi. À travers l’assistance projet Forward FIFA, les travaux seront effectués par la compagnie hollandaise qui connaît bien les lieux et le terrain sera opérationnel avant septembre. Nous avons aussi des réparations concernant les vestiaires et les cabines. Un groupe d’hommes d’affaires va nous aider en ce sens.
EN : Si vous devriez solliciter quelque chose en vue de l’avenir, ce serait quoi ?
YDJB : Difficile d’énumérer tellement les demandes seraient nombreuses ; d’abord la loi Altao Nivel voté en 1978 par la République dominicaine et qui prévoyant un réel financement des fédérations et le régime spécial pour les sportifs de haut niveau : réduction pour les coute d’études, réduction spéciale en tout ; l’allocation spéciale, les fonds spéciaux pour les compétions nationales de jeunes , les fonds spéciaux pour la construction de centres sportifs et de stades ; fonds spéciaux pour la préparation des sportifs devant représenter le pays à l’étranger.
La formation de commission nationale incluant diverses entités de l’État et de la société pour décider de l’attribution des crédits, de leur utilisation, des résultats obtenus par les entités bénéficiaires entre autres. Cela éviterait bien des frustrations chez les athlètes et chez les officiels et moins de souffrances chez les exécutifs des fédérations. Je répète que c’est une grosse souffrance d’être dirigeants de clubs ou de fédérations en Haïti.
Enock Néré
lenouvelliste.com