La première étoile du football saint-marcois, Salomon Saint-Vil, ex-artilleur du Racing Club Haïtien, s’en va. Il a quitté le monde des vivants en emportant dans ses valises le secret de ses boulets qui ont terrassé les portiers adverses sur le champ de la Coupe Pradel, notamment lors des spectaculaires combats footballistiques de la première moitié des années 60.
Joueur de tempérament, athlète solide, attaquant aux tirs rageurs, Salomon a laissé son empreinte au stade Sylvio Cator où il décocha en 1964 ses derniers missiles à la pointe de la division offensive jaune et bleu. Depuis, personne n’a pu combler ce vide.
Après que le battant Salomon a quitté le pays au début de la saison 64-65 à quelques semaines du derby national Racing-Violette, l’état-major du Vieux Lion engagea le jeune avant-centre capois Claude Barthélémy qui fit une rentrée fracassante à l’occasion de sa première sortie en Coupe Pradel le 16 janvier 1965. Ce soir-là, il trompa la vigilance de l’international Roland Crispin, arrière central fraîchement débarqué au Violette en provenance de l’Etoile Haïtienne, pour ouvrir le score dans le derby. Mais à l’arrivée, victoire 5-2 du Violette mené par le jeune Philippe Vorbe (17 ans) dans un stade en délire.
En dépit de la défaite du Racing, c’était quand même une belle entrée en matière pour le Capois Claude Barthélémy (alias Coca) qui n’a pu toutefois, pendant sa longue traversée jaune et bleu, effacer l’image du bombardier Salomon Saint-Vil dans le coeur des racinistes.
Dans l’optique de sa participation au championnat de la CONCACAF des clubs champions de la saison 62-63, le Vieux Lion renforça son arsenal avec l’acquisition des étoilistes André Auguste (Pelao 1) et Guy Saint-Vil, deux internationaux en puissance. Jouant un 4-2-4 classique avec notamment le dévorant trio offensif Salomon Saint-Vil–Germain Champagne-Guy Saint-Vil, épaulé dans l’entre-jeu par le génial Fito Louidon et le canonnier Joseph Obas (transfuge de l’ASC), le Racing Club Haïtien conserva son titre de champion de la Coupe Pradel en 1963 et 1964, tout en signant son nom sur le trophée de la CONCACAF des clubs champions en 1963.
Par ses tirs meurtriers, Salomon Saint-Vil était l’un des artisans de cette arrogante et irrésistible domination raciniste, de 1962 à 1964. À cette époque, le glouton lion jaune et bleu ne laissa que les miettes à ses adversaires.
La finale d’un super tournoi réunissant le Violette, le Racing, l’Aigle Noir et le Victory, c’est mon dernier souvenir concernant le regretté Salomon Saint-Vil. Le match décisif mettait aux prises l’Aigle Noir et le Racing. Les vert et noir ouvrirent le score dès la 5e minute par le vieux briscard Paul Desrosiers. Puis la machine infernale raciniste ravagea les rangs aiglenoiristes sans parvenir à battre l’immortel Michel Blain, l’indiscutable portier de la sélection nationale.
À deux minutes de la fin de cette emballante finale, le brillant ailier gauche jaune et bleu Germain Champagne mystifia la défense vert et noir pour solliciter le canonnier Joseph Obas en position de tir à 20 mètres de la cage de l’Aigle. C’était naturellement la panique dans les rangs aiglenoiristes. Mais constatant qu’il était mieux placé pour égaliser, Salomon s’écria: « Obas papa mwen»! Collectif à souhait, le Capois laissa passer le ballon au profit de son partenaire. Et l’artilleur Salomon décocha un tir canon qui s’écrasa avec une telle puissance sur la barre transversale vert et noir que la balle finit sa course jusqu’à la portion de terrain occupée par les racinistes.
Sacré Salomon Saint-Vil, l’un des plus efficaces bombardiers de l’histoire du football haïtien.