Ne dit-on pas que tant vaut l’école tant vaut la nation?Accroché à ce vieil adage, Yves Jean-Bart, interviewé depuis Vannes (France) par Le Nouvelliste, met à nu la situation éducative des jeunes Grenadières qui, dit-il, ont sacrifié leurs examens afin de représenter Haïti au championnat du monde féminin U-20 de la FIFA, France 2018.
La grande et la petite finale de la Coupe du monde féminine U-20 de la FIFA se disputent, ce vendredi 24 août au stade de la Rabine à Vannes, en France. Le Japon et l’Espagne ont pris rendez-vous pour le titre suprême de la compétition reine de cette catégorie. Les Grenadières, qui y étaient de la fête, y assisteront à la télévision chez elles.
Au contraire de leurs homologues japonaises et espagnoles, les Grenadières, pour avoir raté les examens officiels de fin d’année, Coupe du monde oblige, se mettent à étudier, s’il faut croire Dadou Jean-Bart : « Justement, le 24 mai, nos filles, après avoir eu le billet qualificatif pour la Coupe du monde, devaient se rendre en Bretagne pour prendre part au tournoi de la « Sud Ladies Cup »
et rester là-bas pour préparer la phase finale du Mondial français. Conséquence immédiate, 4 ou 5 d’entres elles ont raté les examens de philo et 3 ou 4 n’ont pas pu se présenter pour les examens de la 9e année fondamentale. Ce sont tous des examens officiels de fin d’année. Pour pallier cette situation, on a écrit au ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle pour voir ce qu’il peut faire pour aider les filles à subir ces examens. »
École à tout prix
De par son statut de médecin, Yves Jean-Bart, adulé pour son franc-parler, bien qu’il n’ait pas été un footballeur, a fait cette remarque judicieuse : « Ne savez-vous pas que les filles sont éduquées, plus qu’elles progressent au football ? En fait, l’école, plus que toutes autres choses, est la voie à suivre pour éviter qu’elles finissent dans la misère. Je connais pas mal de joueuses ayant un énorme talent, mais qui finissent leur vie dans la misère parce qu’elles n’avaient pas cette arme qu’est l’éducation. Il faut éduquer à tout prix ces filles », a plaidé Dadou qui s’est attribué un satisfecit en disant que toutes les jeunes Grenadières sont détentrices d’un ordinateur.
Tout compte fait, il reconnaît que les grenadières ne pourront pas fréquenter les autres écoles. Dans la foulée, il avance les raisons suivantes : « Vu leur engagement avec les sélections nationales, elles ne pourront en aucun cas fréquenter les autres établissements scolaires. En allant dans ces écoles, elles risqueraient de perdre plusieurs mois de cours à cause des rendez-vous internationaux à honorer. Les joutes internationales sont programmées généralement en juin et juillet au moment des examens officiels. Dieu merci, le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle a toujours fait une considération spéciale pour nous », a-t-il précisé.
Rendez-vous entre décembre ou janvier
« Il se peut bien qu’elles subissent ces examens fin décembre ou début janvier. D’autres encore n’ont pas subi les examens de l’école « Camp Nous ». Elles n’étaient pas là tout simplement. De retour au bercail, elles auront un temps pour se préparer avant de subir ces examens obligatoires pour être admises dans une classe supérieure. Dans ce domaine, on ne fait pas de cadeau à elles. On veut avoir, au-delà de l’aspect sportif, des honnêtes citoyens. Pour être sincère avec vous, aux examens officiels, elles ont eu toujours d’excellents résultats », a laissé entendre Yves Jean-Bart.
Le casse-tête de la FHF
« Notre plus gros problème réside dans le payement des professeurs. Savez-vous que la dernière fois que le ministère de l’Éducation nationale a payé nos professeurs remonte à 2013 sous Warner Pierre. Alors qu’avec un chèque de 2 millions de gourdes l’an, nous pouvons nous acquitter des dettes de nos professeurs. Pour subsister, car on ne peut pas mettre un terme à ce programme, nous avons dû parfois utiliser l’argent de l’équipe nationale masculine. Par exemple, nous avons joué le match contre le Japon (3-3) pour 40 000 dollars, face aux Émirats arabes unis (1-0) pour 30 000 et contre l’Argentine (0-4) pour 40 000 dollars américains. Après avoir fait un geste avec les joueurs, les quelques dollars restants, nous les avons utilisés pour payer les professeurs. Croyez-moi, à nos jours, nous avons un remboursement de frais à faire à Marc Collat », a révélé Yves Jean-Bart.
Comment rendre l’école de « Camp Nous » plus performante et plus attractive pour qu’elle devienne une école d’élite et d’excellence, voilà, entre autres, l’objectif fixé par le président de la Fédération haïtienne de football. « Je sais que pour y arriver, il nous faut des professeurs chevronnés. Que je sache, pour avoir ces perles rares en Haïti, il nous faut aussi de l’argent, car elles doivent être bien payées parce qu’ils ont affaire à des élèves, qui, de par leur carrière de footballeuse, voyagent un peu partout », a reconnu le Dr du football.
Espérons que les jeunes Grenadières, qui avaient sacrifié leurs études afin de représenter valablement Haïti à la Coupe du monde féminine U-20 de la FIFA, France 2018, auront la possibilité de subir les examens officiels et qu’elles pourront franchir une nouvelle étape dans leur vie sportive et sociale.
Legupeterson Alexandre
lenouvelliste.com